On a connu des ministres qui s’affichaient jadis dans Paris Match avec leur nouveau-né, des stars de la chanson ou du cinéma, sans parler de la famille royale d’Angleterre où chaque naissance fait événement dans la presse people, mais c’est à notre connaissance la première fois qu’une musicienne classique consacre tout un album à son bonheur d’être mère en l’illustrant d’une photo personnelle. Nul ne pourra plus ignorer qu’Olga Peretyatko a donné naissance à la petite Maya le 27 janvier 2021, soit 265 ans exactement après un certain Wolfgang Amadeus Mozart !
On craint d’abord – à tort – que 75 minutes de berceuses et autres comptines pour enfants sages ne finissent par lasser, à défaut d’endormir, l’auditeur adulte. Et c’est tout le contraire qui se produit : l’intelligence d’un programme qui va de Mozart à des traditionnels brésiliens ou japonais, en passant par Ives, Wagner, Bizet, les plus attendus Brahms, Mendelssohn ou Schumann et finalement assez peu de compatriotes de la soprano russe (Balakirev, Gretchaninov, Tchaikovski) , la variété des approches stylistiques de la chanteuse, une voix qui cajole, enjôle, murmure avec un naturel confondant, tout cela vient à bout de toute réserve. On s’est pris à écouter le disque plusieurs fois dans sa continuité ou en mode aléatoire, et le bonheur fonctionne !
En revanche la dernière plage du disque – « Lullaby mantra » – presque 9 minutes, une composition due aux deux interprètes, Olga Peretyatko et son accompagnateur le pianiste russe Semion Skiguine, ne laisse pas d’intriguer. Les adeptes de salons de massage et autres spas orientaux ne seront pas dépaysés : sur une basse obstinée, émaillée de discrets coups de gong balinais, un « voyage musical relaxant » où la soprano psalmodie une berceuse en seize langues, parfois doublée par la voix bouche fermée du pianiste. Hypnotique à coup sûr !
https://www.youtube.com/watch?v=V6T-zvOKOZM
Le disque est publié par le label russe Melodia. Sony, chez qui Olga Peretyatko a jusqu’à présent enregistré, aurait-il craint de soutenir ce projet doublement né du confinement de l’année 2020 ?