Deux souvenirs personnels d’abord pour étayer la critique de ce disque et pour l’éclairer.
Le premier, lié à mon passé professionnel à Liège : la proximité géographique et culturelle de la Cité ardente et de la capitale du Limbourg néerlandais, Maastricht, avait engendré maints jumelages, dont celui des orchestres de Liège et de Maastricht. Il y a une dizaine d’années, une réforme conduite au pas de charge par le gouvernement batave rayait de la carte une bonne moitié des orchestres hollandais. Celui de Maastricht comme celui d’Eindhoven risquaient de disparaître purement et simplement : l’un comme l’autre se refusant à cette sombre perspective, décidèrent de refonder un nouvel ensemble, l’actuelle Philharmonie Zuidnederland. Avant de quitter Liège, j’eus la chance d’assister à cette nouvelle naissance. Ce disque, le deuxième paru chez Fuga Libera, en témoigne.
Le second souvenir c’est une Table d’écoute [*] sur Musiq3 consacrée en 2019 aux Poèmes hindous de Maurice Delage (1879-1961) , une émission rediffusée le 8 novembre dernier, et dans laquelle, lors d’une écoute à l’aveugle, je n’ai pas eu de mots assez durs pour qualifier la diction française impossible de la chanteuse de la « version A » – que mes camarades de jeu et moi avons rapidement demandé à Camille De Rijck d’éliminer de la confrontation. Je découvre que c’est la même artiste qui figure sur ce disque, la mezzo soprano néerlandaise Christianne Stotijn !
Ceci posé, que penser de cette publication ?
Démarche originale que celle de jumeler un tube du répertoire – la Symphonie fantastique de Berlioz – et une œuvre complètement inconnue, dont c’est à ma connaissance la première gravure au disque, le Miroir de peine, un cycle de cinq mélodies du compositeur néerlandais Henrik Andriessen (1892-1981) sur des poèmes du Français Henri Ghéon (1875-1944).
Démarche originale mais risquée : quand on met sur le marché une nouvelle version de la Symphonie fantastique, il vaut mieux être sûr de son coup. En l’occurrence le patronyme du chef principal de la phalange sud-néerlandaise , le chef russe Dmitri Liss, résume le sentiment qui se dégage de l’écoute d’une prise de concert faite le 5 avril 2019 dans l’acoustique idéale du théâtre du Vrijthof à Maastricht. J’ai rarement entendu lecture aussi lisse, neutre, sans relief, sans élan, du chef-d’œuvre de Berlioz. Désespérant d’ennui !
Est-on plus heureux à l’écoute du cycle de cinq brèves mélodies qui ouvre le disque ? La notice – indigente – du livret n’en dit quasiment rien, et ne livre aucun des cinq poèmes, hormis les titres – Agonie au jardin, Flagellation, Couronnement d’épines, Portement de croix, Crucifixion – qui évoquent la Passion du Christ. Pas un mot de l’écrivain Henri Ghéon, étrange personnage resté dans la – petite – histoire de la littérature française pour avoir été l’ami « intime » de Gide, catholique fervent et fervent promoteur de l’homosexualité (auteur de la Vie secrète de Guillaume Arnoult, qui inspirera le Corydon de Gide) On sait seulement que ce Miroir de peine est écrit par Henrik Andriessen en 1923 pour voix aiguë et orgue, puis orchestré en 1933. Les influences de Diepenbrock, Caplet ou Pierné y sont audibles.
La diction marshmallow de Christianne Stotijn, malgré la sombre beauté du timbre, n’aide évidemment pas à entrer dans un cycle qui présente pourtant bien des attraits sur le plan musical.
Une occasion manquée !
* émission discographique de la chaîne classique belge