La couverture « trash» et le titre de ce CD nous préviennent : malgré le regretté Jean-Loup Dabadie et Michel Polnareff, le paradis très peu pour eux ! Anna Prohaska et Julius Drake ont fait le choix d’embrasser un ambitieux (trop ?) répertoire « qui va de l’éveil du premier être humain au sein de la nature – Adam et Eve – jusqu’à notre époque avec ses souffrances et ses guerres, des débuts du baroque à des œuvres contemporaines ». Vaste programme qui eût mérité une réalisation plus aboutie.
Plusieurs écoutes de ce Paradis perdu confirment un double malaise. L’impression d’abord que, quelle que soit la langue, tout sonne pareil, consonnes absentes, voyelles pâteuses : Ravel (qui ouvre le disque), Bernstein qui le suit, même Wolf un peu plus loin (dans la langue maternelle de la chanteuse pourtant), on ne comprend pas un traître mot sans le secours du livret ! Défaut malheureusement commun à nombre de consoeurs de Mlle Prohaska. Où êtes-vous Régine Crespin, Felicity Lott, Susan Graham ?
Un défaut qui serait vite oublié si les couleurs de la voix, l’engagement de l’interprète y suppléaient. Mais Crumb, Rachmaninov, Debussy, Mahler, Schubert et quasiment tous les autres semblent passés au même tamis interprétatif. La monotonie nous gagne, à peine troublée par quelques stridences. Dommage pour une chanteuse qui a eu le courage de se confronter à l’épreuve du récital et mention pour Julius Drake qui fait mieux qu’accompagner !