Le Metropolitan Opera de New York, à l’instar de nombres d’institutions lyriques, diffuse donc chaque soir en streaming une des captations de sa riche bibliothèque patiemment assemblée retransmission après retransmission dans les cinémas du monde entier. Alors que la pérennité même de la première scène lyrique américaine se voit menacée en ces temps d’inquiétude sanitaire et économique, ce sont autant de témoignages de l’excellence lyrique chaque année programmée dans la ville qui ne dort jamais.
Cette dernière semaine de mars était placée sous l’égide de Wagner avec rien de moins que l’intégralité du Ring, (repris l’an passé) Tristan und Isolde, Die Meistersinger et Tannhäuser. Excellence, en effet et tout d’abord car la décennie passée sonnait le retour au pupitre de James Levine après les premières heures difficiles de la maladie de Parkinson et avant les affaires qui allaient conduire à son éviction. Das Rheingold, Die Walküre, Die Meistersinger et Tannhäuser le montre au sommet de ses dernières gloires, à la tête d’une phalange extraordinaire, tout comme le chœur, qui lui sont entièrement dédiés. Avec ce geste cristallin, il dessine fresques et arcs narratifs sans recherche d’effets autre que ceux de la vérité scénique. Une leçon de classicisme et d’élégance, une leçon d’humilité. En comparaison, la direction de Fabio Luisi dans les deux dernières journées du Ring apparait bien plus brouillonne. Simon Rattle impose de son côté sa personnalité dans un Tristan de bruits et de fureurs.
Les distributions offrent leurs lots de satisfaction. Nina Stemme, absente pendant une dizaine d’années revenait enfin en 2015 en Elektra puis en Isolde, son rôle fétiche. Bryn Terfel triomphait en Wotan, aussi impérial qu’humain. Johan Botha ravissait en Tannhäuser ou en Walther. Jonas Kaufmann brulait les planches (Siegmund) aux côtés de la non moins fiévreuse Sieglinde d’Eva-Maria Westbroek, pieuse Elisabeth cinq années plus tard. Jay Hunter Morris, appelé en dernière minute, se révélait au monde (Siegfried) cependant que Deborah Voigt effectuait une prise de rôle (Brunnhilde) surement trop tardive mais intègre. Waltraud Meier (Waltraute), Peter Mattei (Wolfram), Michael Volle (Sachs), Stuart Skelton (Tristan), Eric Owens (Alberich) entre autres témoignent du niveau vocal que le Met sait aligner pour défendre les chefs-d’œuvre du répertoire.
Enfin, cette décennie Wagner permet de lire en creux la politique artistique défendue par Peter Gelb. Comme en Europe, Wagner fournit le terreau rêvé pour l’innovation. C’est ainsi que Robert Lepage conçoit une machinerie dantesque, épaulée des dernières techniques vidéos, pour livrer une lecture somme toute sage du Ring. Une machinerie qui tourne très vite à vide et délaisse les chanteurs bien trop souvent. Mariusz Treliński signe un Tristan und Isolde transposé, servi par un direction d’acteur soignée. Las, les pistes qu’il explore s’avèrent rapidement des culs-de-sac interprétatifs. Les productions Die Meistersinger et Tannhäuser signées Otto Schenk témoignent elles d’un âge d’or qui soit prêtera à sourire soit laissera rêveur tant leurs fidèles beautés semblent irréelles. C’est dans cette synthèse entre tradition et modernité, excellence et audace musicale, que réside l’identité du Metropolitan Opera.
Tristan und Isolde
Avec Nina Stemme, Ekaterina Gubanova, Stuart Skelton, Evgeny Nikitin, and René Pape, conducted by Simon Rattle. From October 8, 2016.
Das Rheingold
Avec Wendy Bryn Harmer, Stephanie Blythe, Richard Croft, Gerhard Siegel, Dwayne Croft, Bryn Terfel, Eric Owens, and Hans-Peter König, conducted by James Levine. From October 9, 2010.
Die Walküre
Avec Deborah Voigt, Eva-Maria Westbroek, Stephanie Blythe, Jonas Kaufmann, Bryn Terfel, and Hans-Peter König, conducted by James Levine. From May 14, 2011.
Siegfried
Avec Deborah Voigt, Jay Hunter Morris, Gerhard Siegel, Bryn Terfel, and Eric Owens, conducted by Fabio Luisi. From November 5, 2011.
Götterdämmerung
Avec Deborah Voigt, Wendy Bryn Harmer, Waltraud Meier, Jay Hunter Morris, Iain Paterson, Eric Owens, and Hans-Peter König, conducted by Fabio Luisi. From February 11, 2012.
Die Meistersinger von Nürnberg
Avec Annette Dasch, Johan Botha, Paul Appleby, and Michael Volle, conducted by James Levine. From December 13, 2014.
Tannhäuser
Avec Eva-Maria Westbroek, Michelle DeYoung, Johan Botha, Peter Mattei, and Gunther Groissböck, conducted by James Levine. From October 31, 2015.