Alors que le monde est chamboulé par ce virus hargneux, la vie continue pour les artistes. Nous avons recueilli quelques mots de certaines des grandes sopranos de notre temps que nous vous livrerons au fur et à mesure.
Ermonela Jaho : « Je suis arrivée dimanche dernier à New York où je réside. Je devais chanter Adriana Lecouvreur à l’Opéra de Marseille mais après deux semaines de répétitions avec une équipe fantastique, nous fumes forcés d’interrompre toute activité, comme bien d’autre maison d’opéras. Ce que nous vivons en ce moment met en exergue notre extrême vulnérabilité, tant professionnellement que dans notre quotidien. J’envisage cette situation comme une épreuve dans nos vies … Nous sommes si petits dans ce monde et nous ne pouvons pas tout contrôler. J’ai commencé à étudier un nouveau rôle (Iris de Mascagni ndlr) que je dois chanter à Madrid en mai et j’espère pouvoir interpréter Violetta pour mes débuts à l’Opéra de Montecarlo. Je reste positive en me disant que cette situation va prendre fin, bientôt je l’espère ! J’ai toujours envisagé chaque jour comme étant mon dernier à vivre, sur scène mais pas seulement, en donnant tout ce que j’ai au public car cela ne durera pas éternellement. C’est un pont entre nos âmes. « Viva la musica ! » Après la pluie vient le beau temps ! »
Anna Pirozzi : « Je suis enfermée chez moi en Suisse italienne depuis le 9 mars avec mon mari et mes deux enfants. Ma Turandot romaine a été supprimée ainsi qu’une masterclass que je devais donner à Milan. Je pense que l’événement à Tokyo le 18 avril (en prélude des Jeux Olympique) va également être supprimé car on ne peut pas voyager. Fin avril je dois commencer les répétitions pour Turandot à Gênes mais je pense que ce sera encore trop tôt pour que les opéras rouvrent leurs portes … Ensuite je dois partir en Australie pour Attila puis à Liège pour Nabucco mi-juin, en espérant que ces représentations soient maintenues. Selon moi la situation est très grave et il va falloir beaucoup de temps pour que tout redevienne à la normale. Il y a encore trop de gens qui ne prennent pas les mesures préconisées et qui pensent qu’il s’agit d’une banale grippe et la seule solution est de rester chez soi pour combattre ce virus, il ne faut pas sortir voir ses amis, aller dans des bars etc. »
Eleonora Buratto : « Je suis chez moi avec mon compagnon. J’aime être chez moi car habituellement je n’ai pas l’occasion d’en profiter. Je fais du rangement, j’étudie, je dors, je lis, je regarde des films ou des séries, je fais des appels vidéo à ma famille ou à mes amis, je fais du point de croix et je cuisine. Je suis très triste pour toutes les personnes qui souffrent et décèdent seuls, isolés de leur entourage et qui ne peuvent voir leurs proches une dernière fois. Ce virus m’effraie et j’espère que les chercheurs vont développer un vaccin rapidement. Je m’inquiète en particulier pour mon père qui est âgé de 80 ans. Tout comme mes collègues, j’ai perdu mon travail et de l’argent mais ce que je regrette le plus c’est d’avoir perdu l’opportunité de faire mes débuts en Fiordiligi à Tokyo que j’attendais depuis si longtemps. Je m’inquiète aussi pour mes débuts dans Rusalka à Amsterdam … Le plus important aujourd’hui est de combattre ce fichu virus ! Chacun d’entre nous doit se montrer responsable et respecter les règles pour freiner sa propagation. »