La saison 2020-21 du Met étant officielle, chacun peut maintenant éplucher les distributions pour y déceler telle présence satisfaisante ou telle absence scandaleuse. Parmi tous ces noms, resplendissants de gloire ou un peu moins prestigieux, il en est un qui, sans être connu du grand public, n’en marque pas moins une date dans l’histoire de l’institution : celui de Lucia Lucas, première chanteuse transgenre à se produire sur la scène du Lincoln Center. Née avec un corps masculin, c’est à l’âge de 5 ans qu’elle a commencé à sentir que son identité était féminine. En étudiant le chant, elle s’est découvert une voix de baryton. Elle a donc d’abord fait carrière en tant qu’homme, avec des personnages qu’elle a conservés après avoir changé de genre. Elle interprète maintenant les rôles les plus lourds du répertoire, en tant que heldenbaryton wagnérien (le Hollandais, Alberich, Wotan) ou straussien (Iochanaan), mais chante aussi Mozart (Leporello, Don Giovanni) et Verdi (Iago, Ford). Après s’être beaucoup produite en Allemagne, Lucia Lucas chante depuis peu dans son pays natal. En mai 2021, elle sera le Bosco dans Billy Budd, un opéra pour lequel Benjamin Britten n’avait prévu aucun rôle de femme. Enfin, aucun rôle pour voix de femme.