Le météore Giovanni Battista Pergolese n’a que 23 ans (il mourra 3 ans plus tard) lorsqu’il présente au théâtre San Bartolomeo de Naples un nouvel opéra, son troisième, Il Prigionier superbo (L’orgueilleux prisonnier), pour fêter la réouverture des théâtres après une période de fermeture liée à une série de seismes ayant affecté la très instable région de Naples. Mais ce n’est pas de cette œuvre dont il sera question aujourd’hui. Car Pergolese insère en guise d’intermezzi des trois actes de cet opéra une petite pièce comique en 2 parties, La Serva padrona. Ce petit bijou remporte un tel triomphe que le Prigioner superbo pourtant bien accueilli, tombe rapidement dans l’oubli. C’est le même librettiste, Gennarantonio Federico, qui lui construit le texte de la Serva padrona, à partir de la pièce de Jacopo Angello Nelli, quasiment contemporaine, et qui raconte comment une servante futée et espiègle va prendre le pouvoir sur son gentil barbon et lui mettre le grappin dessus.
Le succès de l’œuvre franchit bien vite les frontières du royaume de Naples et arrive en France quelques années plus tard. Lorsqu’il est choisi à la place d’une vieille œuvre de Lully à l’Académie royale de musique en 1752, la fureur des partisans de la musique française déclenche la fameuse querelle des Bouffons qui agitera le microcosme parisien jusqu’à Versailles pendant des mois.
Querelle ou pas, la Serva padronane ne quittera plus jamais l’affiche des théâtres lyriques, jusqu’à aujourd’hui. Bien des chanteuses se sont emparées du rôle de Serpina, sur scène ou en récital : Anna Moffo, Renata Scotto, Virginia Zeani, Teresa Berganza et bien d’autres. Parmi les dernières en date, Sonya Yoncheva, avec Diego Fasolis. En voici une curieuse version filmée, dont le playback ne vous échappera pas, avec le célèbre « Stizzoso mio, stizzoso » qu’une Serpina audacieuse et mutine assène à Uberto.