Au sein de la troupe de l’Opéra de Paris, c’était une tragédienne. Comme beaucoup de ses congénères, Christiane Castelli (1922-1989) n’eut guère l’occasion de fréquenter les studios d’enregistrement : un disque de mélodies de Duparc et de Chabrier, avec la pianiste Hélène Boschi, une sélection d’extraits de La Bohème, avec Martha Angelici en Mimi, et pas grand-chose d’autre qui reflète son répertoire. Il faut donc compter sur les bandes de la radio ou sur les « pirates » pour préserver un témoignage sur l’art de cette soprano dont les plus jeunes ignorent sans doute jusqu’au nom, alors qu’elle fut un des piliers de Favart (dès 1946) et de Garnier (à partir de 1952), où elle alternait avec Tebaldi en Tosca en 1960, rôle qu’elle chantera à Paris jusqu’en 1971. En 1965, dans Un bal masqué, elle eut Jon Vickers pour partenaire, tandis qu’Ernest Blanc était Renato. En 1967 et 1970, elle fut l’une des Elisabeth du Don Carlo parisien, avec Robert Massard en Posa, Ghiaurov et Christoff se partageant Philippe II. Autrement dit, pas exactement n’importe qui.
De fait, c’est dans l’opéra italien que Christiane Castelli semble plus marquante. Malgré un son un peu lointain, les deux airs d’Amelia (les seuls extraits d’opéras étrangers à être ici interprétés en langue originale) montrent une artiste totalement maîtresse de ses moyens, sa Nedda convainc tout à fait, et sa Tosca émeut – il s’agit d’un extrait de l’intégrale déjà publiée par Malibran. Authentique curiosité, l’air tiré de Feuersnot, concert radiophonique de 1956 ; autre rareté dans la carrière de l’artiste, le rôle de Marina, qu’elle ne semble jamais avoir abordé en scène.
Pour la musique du XVIIIe siècle, si ce Mozart en français sonne un peu pointu, on est agréablement surpris par le Rameau. Lorsqu’elle fut Junon dans Platée à Aix, Christiane Castelli était abonnée depuis 1952 au rôle d’Hébé dans Les Indes galantes (qu’elle devait interpréter à Garnier jusqu’en 1961), et son « Haine, dépit, jalouse rage » s’avère étonnamment vivant, alors que le reste de cette version historique paraît aujourd’hui bien empesé.
Dans l’opéra français du XIXe siècle, on prêtera une oreille attentive à celle qui fut très souvent Marguerite dans Faust à Garnier entre 1957 et 1969 et qui donne dans la scène de la prison une superbe leçon de style. Les Chabrier étaient déjà connus, notamment la belle version de concert du Roi malgré lui parue chez Malibran il y a quelques années.
L’époque n’étant plus guerre aux commandes à l’Opéra de Paris, Christiane Castelli n’eut guère l’occasion de chanter la musique de son temps, mais en 1948, elle avait participé à la création d’une œuvre de son mari, Pierre Petit : La Maréchale sans gêne, opérette qui connut quelque quatre cents représentations au Châtelet. Evidemment, elle n’y incarnait pas le rôle-titre (dévolu à Fanély Revoil) car elle était sans doute trop altière pour cela, mais celui de l’impératrice Marie-Louise, personnage qu’elle campa aussi dans L’Aiglon de Honegger et Ibert à Garnier en 1952.