Tom Volf n’a pas chômé, et l’on peut dire que sa jeune passion pour Maria Callas a été fertile ! Après l’exposition à la Seine Musicale et avant le film Maria by Callas sorti en décembre, paraissait ce livre Callas Conditential. Devaient aussi paraître les mémoires inachevés de la diva, sans doute le document le plus intriguant, mais la publication en est pour le moment reportée sine die. Même le fan le plus ardent de la Divina a de quoi se perdre dans cette abondance.
Où sont vraiment les nouveautés, les inédits que l’on nous promet? Si l’on comprend bien que la variété des documents découverts par Tom Volf nécessitait divers médias (exposition, film, livre), ces mêmes documents n’ont-ils pas été saupoudrés? Un peu hélas et l’on trouve dans ce livre des inédits qui ne figuraient ni dans le film, ni dans l’exposition, mais mélangés à des photos archi-connues, ou à d’autres que l’on voyait justement déjà dans le film ou l’exposition. Pourtant ce livre ne saurait être considéré comme le catalogue de cette dernière. C’est sans doute là que le bât blesse, nous y reviendrons.
Comment Tom Volf a-t-il eu accès à ses documents ? Avant tout grâce à la confiance acquise auprès de Ferrucio et Bruna, derniers majordome et femme de chambre de Maria Callas, qu’elle considérait comme sa seule vraie famille et qui s’expriment dans ce livre pour la première fois. Des propos simples et touchants, même si très courts. Dans sa préface, Tom volf dit vouloir proposer une vision réflexive de Maria par Callas et Callas par Maria. Le propos n’est pas nouveau (Callas in her own words était une émission de radio de John Ardoin ; Callas by Callas, un livre de Renzo et Roberto Allegri, paru chez Universe), mais une bonne partie des éléments proposés le sont. La limite de l’exercice s’aperçoit vite, c’est une vision plus intime qu’artistique qui nous est présentée. Comme pour le film où ne leur était réservées qu’une dizaine de minutes (aussi riches d’inédits soient-elles), les années de ses plus grands succès sur scène (1952-1958) sont évacuées en 60 pages, là où celles de la femme épanouie puis trahie en ont droit à 150. Même dans la sélection des lettres et interviews de la diva, Tom Volf s’est concentré sur ce qui éclaire sa personnalité humaine bien plus que son talent artistique. C’est donc clairement un livre pour fétichistes de la diva, dont nous sommes, voilà qui tombe bien. Mais à l’amateur qui souhaiterait un beau-livre plus complet et tourné sur son apport artistique, on recommandera plutôt le Callas Sacred Monster de Stelios Galatopolous (Fourth Estate, en anglais) ou bien le Callas, les images d’une voix de Sergio Segalini (Van de Velde). Celui qui chercherait davantage de texte se tournera vers le biographique et définitif livre de Jean-Jacques Hanine-Roussel, ou vers L’art de Maria Callas de Jacques Lorcey (Atlantic) pour une analyse exhaustive et détaillée de ses enregistrements de studio ou live. Néanmoins, à part l’également très recommandable Callas, The Life of a Diva in Unseen pictures de Karl H. van Zoggel (Roads, en anglais), le créateur du Callas International Club, dont fait aussi partie Tom Volf d’ailleurs, les beaux-livres sur la vie privée de la Callas sont rares. Celui-ci comble donc un vide pour le marché français. On notera également que son grand frère anglo-saxon est sorti quelques mois plus tôt : Maria by Callas – Callas in her own words (Assouline) du même auteur propose le même genre de parcours, en présentant toutefois moins de documents.
Finalement, on ne sait pas bien ce que l’on tient entre les mains et où l’éditeur a voulu en venir. Car ce livre manque avant tout d’un vrai travail éditorial, et non de passion. Ont été réunis des documents aux sources trop diverses : certains éléments sont tirés des albums personnels de la diva d’une part, que ce soit les photos du quotidien ou de vacances, ou bien les clichés amateurs envoyés par des fans, qu’elle thésaurisait minutieusement. D’autres sont tirés de « scrapbooks », collections de coupures de presse, réalisées soit par la diva, soit par ses fans. Malheureusement, on ne sait jamais ce qui vient d’où. Il aurait mieux valu soit trancher pour une publication en fac-simile de ces carnets et ainsi pouvoir analyser le regard que la diva portait sur elle-même et sur son passé, soit n’en extraire que les véritables inédits. C’est comme si, tout à sa passion et à l’excitation de partager ses découvertes, Tom Volf avait lui-même arrangé chronologiquement sa propre collection, glanée avec ferveur pendant trois ans, mais nécessairement disparate étant donnée la variété de ses sources, et que deux éditeurs concurrents s’étaient partagés le trésor en l’arrangeant pour que leur livre puisse attirer l’amateur comme le passionné. Mais il est difficile d’être à la fois pointu et pédagogue pour le plus grand nombre.
Néanmoins toutes les photos sont légendées avec beaucoup de méticulosité, contrairement au récent catalogue de l’exposition de Bordeaux ; on regrettera juste que les annotations manuelles de la diva ne soient pas traduites. Les interviews sélectionnées sont vraiment éclairantes et certaines photographies très intéressantes (celles de la Butterfly de Chicago tout autant que celles où Maria s’adonne au snorkeling en compagnie de son caniche, un peu de légèreté dans ce monde lyrique !). Enfin, 5 lettres présentées sont d’absolus inédits, mais c’est le communiqué de presse qui le dit, détaillant tantôt ses actualités, tantôt son mariage, tantôt ses collègues. Il s’agit d’une lettre à Meneghini datée de 1947, une à son professeur de chant (Elvira de Hidalgo) de 1949, une à un ami musicologue américain (1959), une réconfortante à la nièce de Visconti (1963) et une destinée à une admiratrice en 1971 où elle évoque un projet d’autobiographie. En résumé, un livre de passionné pour passionnés.