Ne cherchez pas Silvio Garghetti dans les ouvrages spécialisés, ni avec les moteurs de recherche : vous n’auriez que peu de chance de le rencontrer. Italien, disparu en 1729, originaire de Rimini, maître de chapelle à Rome en 1689, il fut l’un des chanteurs les plus actifs à la Cour de Vienne, de 1702 à sa mort, le plus souvent appelé simplement « Silvio ». La Bibliothèque nationale de Vienne conserve nombre de manuscrits musicaux de son temps, et son nom apparaît dans 28 ouvrages (opéras ou oratorios) produits à la Cour impériale. Décrit par Schmelzer comme le plus grand ténor lyrique viennois, il était tombé dans un profond oubli jusqu’à ce qu’un chercheur le découvre. Les compositeurs de cette cour (Conti, Fux, Caldara, les deux Bononcini, Ziani – son beau-père – parmi de moins célèbres) écrivirent à son intention des arias, imaginatives et ornées dans une bonne centaine d’ouvrages. L’empereur, Joseph Ier, ne dédaigna pas composer pour lui.
On est partagé entre le désir de saluer la courageuse initiative d’exhumer et de rendre vie à tant d’œuvres qui le méritent, de se réjouir d’y voir développer des moyens vocaux et instrumentaux en parfaite adéquation, et une certaine lassitude à l’écoute ininterrompue d’airs relevant d’une même esthétique. Le CD propose quinze airs, créés entre 1704 et 1718, qui constituent un large tableau des pratiques opératiques du temps. Toutes ces musiques sont autant de découvertes, d’une large diversité de styles comme de registres vocaux. On compte ainsi deux arias avec trompette, une avec viole, une avec luth, une avec violoncelle et contrebasse. La tessiture y est sensiblement moins aigue que celle de l’école viennoise classique, mais requiert de solides graves et un excellent passage. Puissance, finesse et vélocité sont sollicitées pour traduire l’intensité dramatique et lyrique. Francesco Conti est illustré à travers quatre ouvrages, viennent ensuite Giovanni et Antonio Bononcini, Johann Joseph Fux, l’empereur Joseph Ier et Marc’ Antonio Ziani. Airs guerriers, d’amour, associant les deux (« La gloria, l’amore » chante Antonio Bononcini dans La Presa di Tebe), la rhétorique est riche et les climats variés.
Totalement dévoué à la reconnaissance de ces musiques, le ténor et chef Markus Miesenberger chante idéalement ce répertoire, avec une profonde intelligence du texte, d’une voix riche en couleurs, longue, agile. La Neue Wiener Hofkapelle, dont c’est le répertoire d’élection, y déploie toutes ses ressources. Par-delà la virtuosité souvent requise, elle excelle à traduire les atmosphères variées de chacune des pièces, représentatives de l’écriture baroque viennoise du début du XVIIIe S.
La plaquette d’accompagnement, fait le point sur les connaissances relatives à Silvio Garghetti et comporte les textes chantés et leur traduction anglaise.