Une fois n’est pas coutume, notre éditorial sera le copier / coller d’une note interne. Nous reviendrons, le mois prochain, à des considérations d’esthétique générale grâce à Sylvain Fort.
Parce que Forumopera.com est un site qui entend se remettre en question, nous avons trouvé utile de partager avec nos lecteurs ce courrier envoyé à nos collaborateurs.
« Récemment, l’un de nos rédacteurs a eu des mots blessants par rapport aux prestations d’un artiste. C’est votre métier de critique de rendre compte de ce que vous avez entendu. Mais les propos en question ont été relayés sur twitter par un membre de l’équipe un peu pressé, qui a taggé le chanteur en question, qui s’en est senti – bien naturellement – profondément meurtri.
J’aimerais attirer votre attention sur quelque chose qui vous semblera sans doute évident : les articles que nous écrivons concernent des êtres de chair et de sang. Des femmes et des hommes qui nous lisent et qui, dans le pire des cas, peuvent être bouleversés, blessés et durablement perturbés par la teneur de nos articles. Ce sont des femmes et des hommes qui se battent depuis des années pour polir leur art et qui, parfois – parce qu’ils sont fatigués, ou usés – ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendons d’eux. Un chanteur n’est jamais mauvais par paresse, l’urgence de la scène le lui interdit. Évidemment, ils en sont les premiers à ressentir les alarmes de leur méforme. Le lire – noir sur blanc – doit être encore plus effrayant. Sans doute fantasment-ils le dommage irréversible fait à leur carrière et, en filigrane, la fin de celle-ci.
Nous ne pouvons pas être un robinet d’eau tiède. Mais notre amour des artistes nous oblige à prendre doublement, triplement conscience de la nature humaine de notre matière. L’opéra est un art de consomption ; les moyens de ceux qui le pratiquent s’érodent à mesure qu’ils affrontent de redoutables partitions. Il nous appartient dès lors de trouver les mots pour rendre compte sans meurtrir. Car nous n’avons pas créé Forumopera pour favoriser la souffrance, quelles qu’aient pu être nos (nombreuses) errances passées. L’adolescence, pour nous, est terminée. Nous devons tendre vers plus de psychologie.
J’aimerais souligner que mon message n’a pour but de stigmatiser personne. Ce que nous publions est relu et – a priori – adoubé par un membre de la rédaction. Ainsi, je ne pointe personne du doigt. Je veux simplement que nous réfléchissions ensemble à cette question. Je veux qu’on prenne la pleine mesure de nos responsabilités humaines et qu’on se méfie – absolument, farouchement – de la brutalité des réseaux sociaux.
Notre aventure est belle, les artistes sont nos amis. Même – surtout ? – ceux qui connaissent les tourments d’une méforme passagère ou pérenne. Soyons-en plus conscients chaque jour et tâchons, dans ce monde jamais avare de laideur, de sublimer ce qui est beau. »