Créé à Salzbourg en juillet 2016 et repris à Londres en avril 2017, le troisième opéra de Thomas Adès, The Exterminating Angel, entre au répertoire du Metropolitan Opera le 26 octobre dernier et fait d’emblée l’objet d’une retransmission dans les cinémas, un choix audacieux qu’il convient de saluer.
Le livret de Tom Cairns, qui a également réalisé la mise en scène, est inspiré du film éponyme de Luis Buñuel dont il suit pas à pas la trame et reproduit fidèlement une grande partie des dialogues tout en les condensant. Seul le dénouement est différent mais conforme somme toute à l’esprit de l’ouvrage.
On connaît le sujet : à l’issue d’une représentation d’opéra, un couple de bourgeois invite quelques amis à souper dans sa luxueuse demeure mais au moment de partir, les convives se rendent compte qu’il leur est impossible de quitter les lieux. S’en suit un long huis clos qui voit les masques tomber à mesure que les personnages sombrent peu à peu dans la violence, voire la barbarie. Un scénario d’inspiration surréaliste qui permet au cinéaste de manier habilement la satire sociale et l’humour noir à travers des situations absurdes ou incongrues.
Sur ce thème, Thomas Adès a composé une partition foisonnante, faisant la part belle aux percussions et aux instruments à vent, dans laquelle les sonorités étranges des Ondes Martenot créent une atmosphère de mystère et d’angoisse. Pas un temps mort dans cet ouvrage qui tient le spectateur en haleine tout au long de la soirée. L’écriture vocale est remarquable d’expressivité, il s’agit d’une sorte de conversation en musique dans laquelle les principaux protagonistes ont chacun un partie solo à chanter qui les caractérise. Des passages virtuoses sont dévolus aux voix féminines notamment au rôle de la cantatrice. Avec une quinzaine de personnages présents en permanence sur le plateau, les ensembles ne manquent pas. Spectaculaire est celui du troisième acte au cours duquel certains demandent le sacrifice expiatoire du maître de maison.
Les décors de Hildegard Bechtler sont dépouillés, un porche gigantesque que les personnages ne parviennent pas à franchir en constitue l’élément principal auquel s’ajoutent de nombreux accessoires, table, chaises, canapés, le tout placé sur une tournette qui permet de montrer l’extérieur de la demeure. La direction d’acteurs, efficace et précise ne laisse pas un instant de répit aux interprètes. Tous sont de remarquables acteurs en plus d’être vocalement irréprochables.
Citons notamment Audrey Luna, la cantatrice, dont les aigus stratosphériques sont impressionnants, Alice Coote, en femme constamment au bord de l’hystérie, Joseph Kaiser et Amanda Echalaz, parfaits en maîtres de maison dépassés par les événements, Sally Matthews et le contre-ténor Iestyn Davies en frère et sœur incestueux, Sir John Tomlinson en médecin qui tente régulièrement de calmer le jeu, Sophie Bevan et David Portillo, touchants en futurs mariés qui se donnent la mort et aussi Christine Rice et Rod Gilfry en couple de musiciens, Christian van Horn dans le rôle du maître d’hôtel, Frédéric Antoun dans celui d’un explorateur, etc…
Un spectacle d’une telle intensité mériterait sans nul doute une parution en DVD.
La prochaine retransmission du Met dans tous les cinémas du réseau Pathé Live réunira Sonya Yoncheva, Vittorio Grigolo et Bryn Terfel dans Tosca le 27 janvier 2018.