C’est pour sa première création sur une scène romaine que Verdi choisit d’adapter la tragédie de lord Byron, The two Foscari, dont la trame avait été refusée par la Fenice l’année précédente. Et on peut comprendre les raisons des réticences de la censure vénitienne, puisque l’œuvre met à mal quelques familles dont les descendants figuraient toujours parmi les notables de la Cité des Doges.
Mais à Rome, point besoin de ces précautions. Verdi reprend donc cette idée et tourmente jour après jour son librettiste Piave, qui satisfait à tous les caprices, remarques et autres demandes du compositeur. Ce dernier adore ce drame, qu’il trouve « beau, très beau, archibellissime ». Il en termine la partition durant l’été. La création est prévue au Teatro Argentina le 22 octobre 1844, mais est repoussée au 3 novembre. Pour le rôle titre, il peut compter sur Achille de Bassini, baryton très distingué auquel Verdi aura encore recours plusieurs fois. Le reste de la distribution n’est pas en reste : Giacomo Roppa, Marianna Barbieri-Nini incarnent les deux autres rôles principaux. On a longtemps prétendu que Verdi avait subi un échec au soir de la première. Il n’en est rien, même si ce n’est pas un triomphe. La presse est très positive et Donizetti lui-même réagit favorablement, assurant que son cadet irait « assez loin ». Les représentations suivantes sont de vifs succès et Verdi doit aller saluer de nombreuses fois durant les spectacles. Mais pour cette œuvre sombre, aux nombreux moments de grâce, Verdi lui-même se montrera finalement le plus sévère : « Si on n’est pas très attentif avec les sujets naturellement tristes, cela tourne à l’enterrement comme, pour te donner un exemple, I due Foscari, qui ont une teinte, un ton trop uniformes du début à la fin ». Trop sévère assurément.
En voici la scène finale dans une production de la Scala de Milan filmée en 2003, avec Riccardo Muti – qui y reviendra à Rome 10 ans plus tard- et le doge « souverain » de Leo Nucci.