Gaetano Donizetti signe au printemps 1834 un nouveau contrat avec le San Carlo de Naples pour y adapter Mary Stuart de Schiller dans sa traduction par Andrea Maffei. Il en confie le livret à un obscur étudiant nommé Giuseppe Bardari, dont on n’entendra plus parler ensuite sur le terrain artistique et qui retournera à ses chères études juridiques. D’autant qu’assez rapidement, le sujet indispose la très réactionnaire cour de Naples, ce qui a pour effet de repousser la création de plusieurs mois. On dit que la reine Marie-Christine n’a pas supporté l’idée de voir une lointaine « consoeur » expédiée à l’échafaud. Donizetti et Bardari sont donc sommés par la censure de transposer cela autrement et avec moins de sang. Par ailleurs, pour la fameuse scène de la violente confrontation entre les deux reines, Mary Stuart et Elisabeth, on raconte que les deux prime donne engagée pour la création, la Ronzi di Begnis et la Del Serre, se détestaient tellement dans la vraie vie que leur dispute n’en fut que plus réaliste et qu’elles en étaient venues aux mains.
Si bien qu’en lieux et place de Londres, le roi de Naples décide de transposer tout ceci à Florence au XIIIe siècle et que plutôt que d’appeler cela Maria Stuarda, on le baptisera Buondelmonte. Heureusement, la partition, elle, n’est pas remise en question. La création se passe donc comme elle peut le 18 octobre et personne n’y comprend rien. Donizetti reprend d’ailleurs très vite son bien et subira peu ou prou les mêmes déconvenues à Milan l’année suivante. Il remaniera encore son œuvre pour en faire 3 actes qui constitueront la version connue et présentée aujourd’hui, ressuscitée seulement en 1958 à Bergame.
Quelques années plus tard, en mai 1967, l’œuvre est à l’affiche du Mai musical florentin. Dans une de ses récentes éditions de l’excellent Lirico Spinto sur France Musique, Stéphane Grant nous a fait redécouvrir un extrait de cette soirée électrique à plus d’un titre, durant laquelle la fameuse scène de la confrontation évoquée ci-dessous à la fin de l’acte II, atteint une intensité extraordinaire. Il faut dire que se font alors face rien moins que Leyla Gencer en Maria et Shirley Verrett en Elisabeth. Pour faire un autre lien avec le titre de cette petite chronique, il paraît que les relations entre Leyla Gencer et le chef, Francesco Molinari Pradelli, étaient des plus tumultueuses. De fait, tout n’est pas parfait, tout le monde semble être pris de folie, le chef est un peu pressé, mais on sent l’extrême tension qui parcourt tout le théâtre et c’est fabuleux.