En ce début de 21e siècle, alors que les musiques italiennes, allemandes et françaises ont déjà phagocyté la quasi-entièreté du marché du disque, rares sont les labels qui se risquent à privilégier une musique nationale. Chez Supraphon pour la musique tchèque ou chez Ondine pour le répertoire finlandais, on tente donc aussi bien de défendre les joyaux de la production musicale de son pays tout en promouvant ces trop nombreux compositeurs placés au ban de la postérité. C’est dans cette idée que le label danois Dacapo nous a gratifié de la sortie d’un deuxième album consacré à la musique de Poul Rovsing Olsen. Le premier donnait à entendre la musique symphonique du compositeur tandis que le plus récent se consacre à sa production vocale.
Le compositeur, bien qu’à peine plus connu au Danemark qu’en Europe, a eu la chance de travailler avec les plus grands (Nadia Boulanger puis Olivier Messiaen) avant de devenir ethnomusicologue, parcourant le monde et s’abreuvant à diverses sources d’inspiration. Bref, autant de raisons qui justifient pleinement la tentative de résurrection opérée par Dacapo, déjà méritant de nous avoir fait redécouvrir des personnalités aussi singulières que Per Nørgård ou Rued Langgaard.
Pourtant, avouons que la curiosité fait vite place à un ennui déçu au bout de seulement quelques plages. Si les Light Songs et les Little Songs apportent un peu de fraîcheur bienvenue, les autres cycles peinent à susciter notre enthousiasme. On y retrouve certes la rigueur d’écriture de « Mademoiselle » dans quelques pièces, et il faut reconnaitre que le compositeur sait choisir ses textes avec précaution (Rilke, Baudelaire et Blake côtoient les classiques de la littérature danoise), mais on ne trouve rien de la fantaisie ou de la couleur du professeur Messiaen, et la qualité d’ethnomusicologue d’Olsen aurait pu tout à fait nous échapper. Ambiances mortifères, pas ou peu de développement des idées, assez peu de fantaisie dans le traitement du piano et de la voix: autant d’éléments qui décideraient un auditeur pressé à ranger le compositeur dans une étagère poussiéreuse pour la nuit des temps.
Les œuvres de cet enregistrement furent-elles mal compilées? On se souvient de A l’inconnu, pièce bien plus intéressante et prometteuse, pourtant absente de la sélection (probablement en raison de son effectif chambriste).
Tentons de sauver les meubles en nous concentrant sur la qualité de la prestation. Hetna Regitze Bruun possède un timbre riche et chaleureux, bienvenu dans ce répertoire à cheval sur les tessitures de mezzo et de soprano. Pourtant, assez peu est fait pour retenir notre attention. Avec une prononciation de l’anglais yaourteuse, où toutes les voyelles se ressemblent, et une palette de nuances allant du mezzoforte au forte, on perd rapidement l’envie d’en savoir plus. Le concours du conjoint Steffen Bruun semblait une bonne idée pour remédier à un album trop monotone. Hélas, sa voix de basse-monolithe n’a rien à faire dans ce genre de répertoire, et de sérieux cours de diction s’imposent si le chanteur souhaite continuer à évoluer dans la musique française ou allemande. C’est donc la flûte de Ulla Miilmann qui assurera la part de légèreté et de fraîcheur dont nous avions besoin, avec un son souple et généreux déployé au cours des Evening Songs. Kristoffer Hyldig est lui aussi un interprète attentif et délicat, même si, ici aussi, le piano peine à quitter un registre encore trop monochrome.
La sortie de l’ombre de Poul Rovsing Olsen n’est donc pas pour cette fois. Cependant, l’auditeur patient, celui qui n’a pas encore catalogué le compositeur dans l’étagère poussiéreuse, attendra le temps nécessaire à une troisième parution, venant enfin racheter son intérêt.