L’année 2016 vit le centenaire de sa disparition, et 2017 correspond au cent-cinquantième anniversaire de sa naissance : le pauvre Enrique Granados risque de ne pas être recélébré de sitôt, donc mieux vaut en profiter tant que cela dure. Cette année, le label Sony a décidé de rassembler en un coffret tout ce qu’il avait à son catalogue. Enrique Granados, The Collection réunit sept CD et met en avant quelques noms prestigieux : « performed by Alicia de Larrocha, Montserrat Caballé, Julian Bream, John Williams, Ataúlfo Argenta and others ». Et le chant occupe deux des sept disques, ce qui n’est déjà pas si mal, le reste étant occupé par des pièces pour piano (n° 1 à 3), pour guitare (n° 5), pour harpe, violon ou violoncelle et piano, ou pour orchestre (n°7).
Le disque n°4 avait déjà été édité en CD en 1994 : Caballé Sings Granados reprend les dix-sept plages de Montserrat Caballé sings Songs of Enrique Granados, avec orchestre (RCA Victor) et y ajoute quatre mélodies avec piano enregistrées en 1978 pour un disque Falla-Turina-Granados. Le disque avec orchestre fut enregistré en janvier 1964, soit plus d’un an avant la fameuse Lucrezia Borgia newyorkaise où Montserrat fut propulsée sous le feu des projecteurs en remplaçant Marilyn Horne. La Superba chante ici dans son arbre généalogique et se montre dans tout l’éclat de ses trente ans. On pourra trouver que d’autres interprètes ont mis plus d’esprit et de piquant dans ce même répertoire (Victoria de Los Angeles, pour ne pas la nommer), mais on s’incline devant tant de pure splendeur vocale. Bien que postérieures de presque quinze ans, les quatre plages avec piano montrent une Caballé encore très loin de son déclin, avec celui qui était alors son accompagnateur attitré, Miguel Zanetti.
Si les versions des Goyescas pour piano sont pléthore, c’est loin d’être le cas de l’opéra que Granados tira de ses propres compositions, sur un livret également inspiré de l’œuvre de Goya. L’enregistrement que repropose Sony dans son coffret est l’un des rares existants, réalisé en 1957 (et non 1975, comme indiqué dans le livret d’accompagnement). Evidemment, depuis, Maria Bayo et Ramon Vargas ont été réunis pour une version parue chez Auvidis en 1996 (aujourd’hui épuisé), mais il est permis de dire que les intégrales ne se bousculent pas.
Le nom de Consuelo Rubio (1927-1981) ne dira pas forcément grand-chose aux jeunes générations, mais cette artiste espagnole au timbre opulent eut son heure de gloire entre 1955 et 1965. Avant de décider de mettre fin à sa carrière, elle eut le temps de laisser quelques enregistrements : des extraits de Carmen en 1956 aux côtés de Leopold Simoneau, Marguerite de La Damnation de Faust enregistrée par Igor Markevitch en 1958, des extraits d’Alceste en 1962 sous la direction de Georges Prêtre. C’est donc une Rosario grand format, qui livre une capiteuse version de « La maja y el ruiseñor » et une scène finale puissamment dramatique.
La mezzo Ana María Iriarte, son exacte contemporaine, se spécialisa très tôt dans la zarzuela ; elle participa à de très nombreux enregistrements de ce répertoire, mais fut également la soliste d’une version d’Alexandre Nevski gravé par l’Orchestre de l’Opéra de Vienne. Le baryton catalan Manuel Ausensi enregistra avec Teresa Berganza plusieurs duos de zarzuela, mais fut également Figaro face à sa Rosine dans une intégrale du Barbier de Séville dirigée par Silvio Varviso, où Fernando Corena était Bartolo et Nicolai Ghiaurov Basile. Sans doute le membre le moins prestigieux du quatuor de solistes, Ginés Torrano n’était hélas qu’un ténor de caractère dont la voix n’est pas vraiment celle qu’on attendrait d’un personnage de premier plan. Il est le point noir de cette intégrale qui, sans lui, avait tout pour devenir une référence, grâce à la direction amoureuse d’Ataúlfo Argenta.