Les critiques mitigées des dernières productions de Montpellier et de Nancy pourraient laisser croire que la Geneviève de Brabant d’Offenbach est une œuvre mineure. Mais la série de représentations donnée au Théâtre Armande Béjart d’Asnières par la troupe Oya Kephale prouve tout le contraire. En effet, la direction particulièrement exemplaire de Laetitia Trouvé fait miroiter toutes les trouvailles musicales et les pépites que l’œuvre contient. Tout d’abord en respectant (malgré quelques petites coupures dont certaines voulues par Offenbach lui-même, et une réduction fort bien faite des dialogues) l’intégralité de la version très homogène de 1867 (dont on fête donc les 150 ans), et qui est certainement celle qui présente la plus grande unité. Ensuite en ayant choisi des acteurs/chanteurs tous épatants dans leur genre, desquels se distinguent notamment Halidou Nombre et Jonathan Suissa, inénarrables Grabuge et Pitou dignes, tant scéniquement que vocalement, des plus grandes scènes, ou encore Nicolas Grienenberger (Sifroy). On comprend que certains airs aient été trissés à l’époque de la création, « Une poule sur un mur… », « Après le pâté, c’est bien bon le thé… », « L’excès en tout est un défaut, j’en ai mangé plus qu’il n’en faut… », le duo des hommes d’armes, ou encore « Allons Madame, il vous faut mourir… », dont certains rejoignent l’absurde du gril de Pomme d’Api, des petites cuillères de L’Île de Tulipatan ou du mal de dents de La Princesse de Trébizonde.
L’un des intérêts de cette opération (dont les bénéfices sont reversés à des œuvres caritatives), c’est aussi de permettre à de jeunes interprètes professionnels de goûter à l’art lyrique en scène. C’est le cas de Raphaël Duléry (Narcisse), une voix, un physique, une présence que son père Antoine est venu applaudir ce soir, certes encore brut de décoffrage, mais très prometteur dans tous les genres qu’il a la curiosité d’explorer.
Une mise en scène inventive et professionnelle de Clémence de Vimal nous livre certainement le meilleur spectacle qu’il nous ait été donné de voir de cette compagnie d’amateurs et de semi-professionnels solidement encadrés. Des costumes frais et bien en situation, des éléments de décor suffisamment évocateurs, des éclairages soignés, des chœurs impeccables et un rythme soutenu, le spectacle se déroule comme un rêve, pour la plus grande joie des spectateurs. Tout au plus regrettera-t-on que la fidélité au propos n’ait pas été un peu transgressée par des incursions plus marquées pour Geneviève sur les terres de Gotlib, et pour Narcisse sur celles de Goscinny et Uderzo (Assurancetourix). Mais la soirée jubilatoire mérite une reprise.