Notre confrère Jacques Bonnaure, qui s’était déjà penché sur Massenet et Saint-Saëns, poursuit son étude des musiciens français du XIXe siècle finissant et publie, toujours dans la jolie collection Classica chez Actes Sud, une courte étude consacrée cette fois à Gabriel Fauré. Ni à proprement parler biographie, ni réellement analyse d’une œuvre, ce livre, à mi-chemin entre l’évocation littéraire et l’essai musicologique, se trouve être une synthèse idéale pour qui veut aborder, sans a priori ni grande connaissance préalable, la personnalité complexe de Gabriel Fauré, si bien rendue par le portrait qu’en fit John Singer Sargent, qui lui sert de couverture.
Fidèle à l’esprit de cette collection, dans un format très bref (moins de 200 petites pages), il renonce d’emblée à faire concurrence aux sommes existantes (Jankelevitch et Nectoux notamment) qui sont plutôt destinées à des spécialistes, et présente pour le presque profane un personnage attachant, modeste, mais qui gardera sa part de mystère. L’auteur, dont on sent bien toute l’admiration qu’il éprouve pour son sujet mais qui conserve néanmoins son objectivité, parcourt les grandes étapes de la carrière musicale de Fauré et survole son œuvre par petites touches, réservant au mieux quelques pages aux partitions majeures, quelques lignes aux autres, juste assez pour donner au curieux l’envie d’aller y voir de plus près.
Bonnaure restitue avec finesse le milieu éclairé, tantôt bourgeois, tantôt aristocratique, si typiquement français dans lequel évolua le musicien, montre combien l’œuvre de Fauré dépasse, en particulier dans sa musique de chambre et ses dernières partitions, sa réputation salonarde et, sans verser dans l’anecdote, parcourt la vie professionnelle du compositeur avec pour fil rouge ses mélodies et sa musique de piano, qui en constituent la colonne vertébrale, évoquant ses relations avec les autres musiciens de son temps, dont son indéfectible amitié pour Camille Saint-Saëns, faite de respect et d’admiration mutuels.
Le style particulièrement soigné de l’ouvrage (Bonnaure est aussi agrégé de lettres…) rend sa lecture très agréable et contribue à faire de cette courte évocation une réussite complète.