Ce samedi 22 avril, le Metropolitan Opera diffusait dans les cinémas du monde entier Eugène Onéguine dans la production de Deborah Warner avec dans les deux principaux rôles Anna Netrebko et Peter Mattei qui remplaçait Dmitri Hvorostovsky souffrant. Cette production avait fait l’objet d’une première retransmission sur grand écran lors de sa création à l’automne 2013 ainsi que d’une parution en DVD sous le label Deutsche Grammophon. Anna Netrebko y incarnait déjà Tatiana face à l’Onéguine de Mariusz Kwiecien.
Le travail de Deborah Warner est extrêmement respectueux des indications spatio-temporelles du livret, l’intérieur de la propriété des Larina aux deux premiers actes est tout à fait rustique, sans doute trop. Dans la production précédente Robert Carsen avait prouvé qu’on pouvait faire campagnard, sans que les décors soient laids. La salle de bal du trois avec ses immenses colonnades de marbre est nettement plus réussie, mais c’est le tableau final qui séduit le plus, au lieu de se situer dans la maison du prince Grémine, il se déroule en extérieur, sous la neige, ce qui accentue l’aspect dramatique de la situation.
C’est une distribution d’une grande homogénéité qui a été réunie pour la circonstance. Les seconds rôles n’appellent que des remarques positives, en particulier l’excellent Monsieur Triquet de Tony Stevenson. Elena Zaremba et Larissa Diatkova retrouvent les rôles qu’elles tenaient déjà avec bonheur en 2013 : la première est une Madame Larina bien émouvante, la seconde une nourrice attentionnée. Štefan Kocán possède un timbre caverneux et les graves profonds que réclame la partition du Prince Grémine dans son air du trois, tout à fait impressionnant. Elena Maximova campe une Olga sans grand relief, avec cependant une voix solide et un physique avenant. Alexey Dolgov n’a peut-être pas le plus beau timbre du monde, mais son jeu et l’intensité de son interprétation font de lui l’un des Lenski les plus émouvants qu’il nous ait été donné d’entendre. Intense également est l’incarnation d’Anna Netrebko qui a approfondi son personnage depuis 2013. Les mille et une nuances dont elle parsème sa ligne de chant, la splendeur de son timbre et la rondeur de ses aigus font d’elle une Tatiana attachante, proche de l’idéal même si, au cinéma, les gros plans révèlent qu’elle n’a plus tout à fait l’âge de la jeune fille qu’elle est censée incarner aux deux premiers actes. Dans le rôle-titre, Peter Mattei domine le plateau. Vocalement, son interprétation raffinée est une véritable leçon de chant, théâtralement, toutes les facettes du personnage sont exprimées avec pertinence, hâbleur et méprisant lorsqu’il entre en scène, son Onéguine ne laisse pas que d’émouvoir lorsqu’il étreint le corps de Lenski qu’il vient de tuer ou lorsqu’il se jette aux genoux de Tatiana avec des accents poignants de sincérité.
Le jeune directeur musical du festival de Glyndebourne, Robin Ticciati, propose une direction énergique, émaillée de brusques accélérations qui, si elle n’est pas toujours idiomatique, se révèle efficace.
Le samedi 13 mai prochain, le Metropolitan Opera proposera, pour conclure cette saison en beauté, Le Chevalier à la rose de Richard Strauss avec Renée Fleming.