Habitué du Théâtre-Lyrique où ses dernières œuvres avaient été données – y compris Faust – Charles Gounod projetait d’y créer un nouvel opéra, La reine Balkis, tiré des Nuits de Ramazan de Nerval. Au bord de la ruine, le Théâtre-Lyrique renonce à le monter et c’est la salle Le Peletier, siège de l’Opéra de Paris, qui recevra finalement le projet, émoustillée par le succès mondial de Faust, et qui rebaptisera la future oeuvre en Reine de Saba.
Gounod termine sa partition à l’automne 1861 mais devra consentir de lourdes modifications dans un livret des inévitables Barbier et Carré déjà passablement inepte. L’échec est total, le soir de la création il y a juste 155 ans. Berlioz, pourtant compréhensif à l’égard de Gounod, ne le ménage pas davantage que les critiques et le public : « Il n’y a rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n’a ni os ni muscles ? ». Il faut ajouter à cela qu’en plein scandale autour du Tannhäuser de Wagner, qui avait été créé dans sa version de Paris quelques mois plus tôt, Gounod a même subi l’accusation alors infâmante de « wagnérisme ». Rien ne pouvait dès lors plus sauver une œuvre très inégale, plombée par son argument et qui ne rencontrera plus jamais aucun écho dans les rares maisons lyriques qui ont essayé depuis de le ressusciter… On y trouve pourtant quelques beaux moments, comme ce grand air de Balkis « Plus grand dans son obscurité », surtout lorsqu’il est chanté par la reine Crespin.