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Cinq questions à Enea Scala

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Interview
27 février 2017
Cinq questions à Enea Scala

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Ils ne sont pas si nombreux à pouvoir prétendre interpréter les opéras sérieux de Rossini. Originaire de Sicile, Enea Scala a étudié le chant au conservatoire de Bologne – ville où il réside encore – auprès d’un autre ténor rossinien : Fernando Cordeiro Opa. Ses débuts datent de 2006 mais sa carrière prend son élan en 2009 avec Il Viaggio a Reims proposé chaque été à Pesaro par l’Accademia Rossiniana, véritable vivier de voix pour les éditions à venir du Festival (Enea Scala figurera d’ailleurs à l’affiche de Mosé in Egitto en 2011). Armida à l’Opéra des Flandres en 2015 attire l’attention de la communauté lyrique internationale. Un DVD récemment édité par Dynamic témoigne de l’exploit. La France l’avait découvert en 2014 à Lille dans La finta giardiniera, elle le retrouve en Léopold dans La Juive mise en scène à Lyon par Olivier Py l’année dernière, puis cet automne en Pilade dans Ermione en version de concert, à Lyon  de nouveau et à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées. A Moscou, deux mois auparavant, il n’hésitait pas à affronter dans ce même ouvrage, la partie redoutable de Pirro. Enea Scala reprend actuellement à Montpellier le rôle de Rinaldo dans la même mise en scène qu’à l’Opéra Vlaanderen, signée Mariame Clément, aux côtés de Karine Deshayes en Armida.  


Vous faites partie du cercle fermé des ténors rossiniens. Est-ce un choix ?

Non. Cela peut paraître bizarre mais aujourd’hui encore, je ne me considère pas comme un ténor rossinien. Je suis d’abord un chanteur belcantiste. Rossini est certes une figure majeure du bel canto romantique mais je me sens plus à l’aise dans Donizetti ou dans certains opéras de Bellini. Tout dépend en fait du genre de l’opéra : le Rossini serio me convient mieux que le Rossini buffo. J’ai chanté il y a longtemps Il barbiere, L’italiana in Algeri, Cenerentola. Je préfère Armida, Ermione ou La donna del lago que je vais interpréter à Marseille la saison prochaine. En même temps, je ne me considère pas comme un barytenor. Je le deviendrai peut-être un jour mais aujourd’hui encore je suis selon moi un ténor lyrique léger avec une bonne extension dans le grave et le suraigu. Cette extension me permet d’envisager les rôles écrits par Rossini à l’intention de Nozzari (NDLR : baryténor légendaire à la mesure duquel Rossini composa à Naples plusieurs partitions périlleuses : Rinaldo dans Armida, Pirro dans Ermione, Rodrigo dans La donna del lago mais aussi Otello). Je ne me comparerais pas pour autant avec des chanteurs comme Chris Merrit, Gregory Kunde ou Michael Spyres. L’écriture du ténor donizettien est en revanche exactement adaptée à ma voix. J’ai chanté dans Caterina Cornaro, L’elisir d’amore, Don Pasquale, Lucia di Lammermoor. Je vais chanter dans Le Duc d’Albe à Anvers la saison prochaine (NDLR : il s’agit de la reprise de la production de 2012 avec livret en français et partition complétée par le compositeur italien Giorgio Battistelli). Chaque fois que je chante Donizetti, c’est comme si j’étais à la  maison !

Quel travail particulier sur la technique vocale exige la musique de Rossini ?

La différence quand on chante Rossini, c’est qu’il faut toujours penser à résoudre les innombrables coloratures dont sont émaillées ses partitions, sans fatigue – première chose –, avec naturel, avec morbidezza et en les envisageant comme si elles étaient écrites legato. Cela n’a pas été évident pour moi car, au contraire d’autres chanteurs, je n’ai pas la colorature innée. A chaque fois, je dois étudier minutieusement les passages virtuoses, le plus difficile restant les vocalises pianissime car elles obligent à modifier l’émission. Les sauts de registre en revanche ne me posent aucun problème car ma voix est suffisamment ductile. On retrouve ces sauts d’ailleurs chez Bellini et Donizetti. Dans un rôle comme Rinaldo, il faut aussi savoir projeter les notes les plus graves, jusqu’au la bémol, qui ne sont pas des notes normalement écrites pour un ténor. Ma crainte quand j’ai abordé le rôle à Anvers était que le public ne les entende pas, ce qui heureusement n’a pas été pas le cas. Aujourd’hui, ma voix s’est développée et je trouve que mes graves, et même mes aigus, sont plus sonores. C’est parce qu’entretemps, j’ai ajouté des rôles plus lyriques à mon répertoire : Alfredo dans La traviata, Edgardo dans Lucia… Ce que demande surtout Rossini, c’est la pratique. Chanter en mesure les coloratures s’apprend d’abord sur scène.

Écrivez-vous vous même vos variations ?

Oui. Pour Armida à l’Opéra des Flandres, le maestro Zedda m’avait donné les variations qu’il avait écrites à Pesaro pour Gregory Kunde. J’ai adapté cette base pour trouver des ornementations davantage compatibles avec ma voix. L’interprétation proposée sinon n’aurait pas été suffisamment personnelle et originale. Il m’arrive même d’improviser d’autres variations d’une représentation à l’autre, en fonction de ma forme ou de mon humeur.

Quels sont les pièges tendus par une partition comme celle de Rinaldo ?

D’un point de vue vocal, la vélocité, dans le finale primo notamment, avec la nécessité d’être parfaitement en phase avec le chef d’orchestre. Outre la couleur, Rossini demande un travail sur le rythme qui rend son interprétation particulièrement difficile. Mais la vraie difficulté est de gérer son énergie avec un premier et un troisième acte héroïques, malgré la parenthèse sentimentale du duo d’amour, alors qu’au deuxième acte, Rinaldo, sous le charme d’Armida, doit être doux comme un agneau. Dominer cette chute de tension est ce qui me semble le plus périlleux au sein d’une partition qui comprend de nombreux pièges.   

Votre rêve ultime est de chanter Otello, de Verdi et non de Rossini. Pourquoi ?

Otello de Verdi ? Oui, dans très longtemps. Mais avant, j’aimerais chanter Il trovatore. Et l’Otello de Rossini aussi ! Honnêtement, aujourd’hui, l’Otello de Verdi est totalement hors de ma portée vocale et théâtrale. Je chante déjà Alfredo dans La traviata et Mantoue dans Rigoletto. J’aimerais prochainement ajouter à mon répertoire les œuvres de jeunesse de Verdi car elles sont plus belcantistes. Dans cinq ans peut-être… Je ne suis pas pressé.

Propos recueillis à Montpellier le 25 février 2017

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