Bon plan : un dimanche par mois, la Mairie du neuf à Paris et le Paris Mozart Orchestra, sous la direction de Claire Gibault proposent, avec le soutien des Galeries Lafayette, un concert gratuit en guise d’afternoon tea. Le programme de dimanche dernier, 6 novembre, prétextait le mariage d’Hector Berlioz avec Harriet Smithson, un autre jour – le 3 octobre 1833 –, dans un autre lieu – l’hôtel de Charrost, aujourd’hui ambassade de Grande-Bretagne, dans le 8e arrondissement – pour insérer entre Lachrymae de Benjamin Britten, sorte de concerto chambriste pour alto interprété par Arnaud Thorette et la Symphonie pour cordes no 10 de Félix Mendelssohn, quatre pages inspirées par l’amour du compositeur français pour celle qui fut une des meilleures Ophélie de son temps (dans Hamlet de Shakespeare).
Il revient à Karine Deshayes, à peine sortie des représentations de Norma à Madrid – dans lesquelles elle interprétait le rôle d’Adalgise – de rendre justice à ces partitions dont les incertitudes mélodiques ont longtemps laissé croire qu’elles n’étaient pas vocales. Idée reçue que la mezzo-soprano, avec une musicalité propre à éviter toute erreur d’intonation, parvient à écarter définitivement. Outre l’indispensable effort de diction, Karine Deshayes possède deux qualités essentielles à ce répertoire : une maîtrise du chant rossinien auquel Berlioz dut faire allégeance, la majorité des chanteurs à son époque se référant à cette école ; une voix idéalement placée, suffisamment haute pour ne pas peiner sur les sommets de la portée et en même temps assise sur un médium confortable qui servit d’étalon aux rôles de Marguerite dans La Damnation de Faust ou de Didon et Cassandre dans Les Troyens. « L’île inconnue », dernière des six Nuits d’été, réalisait en fin de concert les promesses contenues par les trois mélodies précédentes – « La Belle Voyageuse », op. 4 n°2 ; « La Captive », op. 12 ; « La mort d’Ophélie » n°2. Dans cette partition extraite d’un des cycles fondateurs du genre, la voix, délicatement drapée dans une étoffe somptueuse, évoquait rien moins que Régine Crespin. Il n’y a pas de hasard. C’est auprès de la « Lionne française » que Karine Deshayes a appris en 2002 ses Nuits d’été. Qu’attendent les maisons de disques pour l’enregistrer ?