Eugène Onéguine expliqué aux ados

Vous vous êtes sottement engagé à emmener votre petite cousine de 14 ans à l’une des représentations d’Eugène Onéguine à Bastille au printemps prochain, et vous pressentez déjà le calvaire que vous vivrez quand, au lieu de savourer tout à votre aise la griserie suscitée par la voix d’Anna Netrebko, vous devrez détailler l’intrigue à l’adolescente boudeuse qui vous accompagnera ? Rassurez-vous, les éditions Sarbacane ont pensé à vous en publiant cette rentrée le roman Songe à la douceur. En vers approximatifs et dans un langage de djeunes, Clémentine Beauvais y reprend le récit versifié de Pouchkine et le livret de Modeste Tchaïkovski, tout en transposant l’intrigue à notre époque, enfin, sur deux époques : 2006, autrement dit la préhistoire du point de vue des technologies de la communication, et 2016, quand Tatiana Reinal (anagramme de Larine) retrouve Eugène, de deux ans son aîné, qu’elle avait connu l’été de ses 15 ans. Le texte est émaillé de citations tchaïkovskiennes mises au goût du jour. Un exemple ? « Ah, Tania, Tania, chantonne Olga. Toujours en train de rêver, ça ne te fait pas envie, ces danses ? […] ’Tain, même en plein milieu d’une fête tu tires la tête, prends sur toi, je sais pas, merde, tu fous rien à part bouquiner, à part rester sur ton balcon à soupirer, en mode Roméo & Juliette h/24, je veux dire, meuf, faut te calmer, t’es pas malheureuse quand même, regarde un peu comme tout le monde t’aime. » Ne cherchez plus le prochain Goncourt, vous l’avez trouvé.