Chanter les Lieder de Schubert accompagné par un ensemble de cinq cordes, est-ce une hérésie, un caprice ou une sacrée bonne idée ? C’est à cette question que Matthias Goerne et ses complices ont tenté de répondre dimanche soir à Bruxelles. La principale cheville ouvrière de ce projet un peu fou est le violoncelliste Raphaël Merlin, qui a brillamment transcrit pour un quintette à cordes (une contrebasse, Laurène Durantel, s’est adjointe au quatuor) la partie de piano de quelques lieder. La voix n’est donc plus confrontée au côté percussif et inéluctable du piano, mais à la douceur maternelle et enveloppante des cordes, avec lesquelles elle forme un ensemble très homogène et très beau. Si le caractère structurant du piano fait parfois défaut, cette nouvelle version stimule l’écoute et les qualités de chambriste des interprètes apportent des nuances et des couleurs nouvelles d’une infinie subtilité. Le chanteur accepte de perdre un peu de sa superbe de soliste pour s’intégrer à l’ensemble avec beaucoup d’humilité et le résultat est très riche d’émotions purement musicales. Toutes les qualités de Matthias Goerne se retrouvent ici magnifiées : le grain de sa voix, sublime, la richesse des couleurs, la conduite de la phrase, longue, sculptée, déployée dans l’espace avec liberté, la souplesse, l’intégrité et le souffle poétique sans cesse vivifié. Tout cela semble facile, puisé au cœur même de la musique, dont il souligne le caractère dansant, dont il magnifie les contrastes et qu’il partage avec une infinie générosité. En seconde partie de concert, le Quatuor Ebène s’adjoint les services de Nicolas Alstaedt, second violoncelle, et livre du quintette D956 une version absolument magistrale qui laisse le public sans voix !
Bruxelles Palais des Beaux Arts, dimanche 17 avril 19h. Die Götter Griechenlands D.677 ; Atys D.585 ; Der Jüngling un der Todt D.545 ; Der Todt und das Mädchen D.531 ; Der Liebliche Stern D.861 ; Auf dem Wasser zu singen D.774 ; Das Lied im Grünen D.917 ; An den Mond II D.296 ; en bis : Erlkönig D.328.