France Musique nous apprenait hier la démission de Jean-Yves Ossonce de ses fonctions de directeur du Grand Théâtre lyrique de Tours et de chef de l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire-Tours, deux postes qu’il occupait respectivement depuis 16 et 20 ans. Cette démission pose plusieurs questions. Quelles en sont d’abord les motivations réelles ? « Depuis plusieurs mois, j’ai eu l’intuition puis la certitude personnelle que la Ville de Tours souhaitait finalement, sans toutefois l’exprimer vraiment de manière claire, définir de nouvelles orientations… » explique Jean-Yves Ossonce. Le prétexte invoqué semble insuffisant pour justifier une telle décision à une époque où le marché de l’emploi est difficile, tant pour les chefs d’orchestre que pour les directeurs d’opéra (conférer les guerres de succession à Montpellier, Lyon, Bordeaux…). Mésentente avec la nouvelle équipe municipale ? Lassitude ? Dépit ? Raisons personnelles ou nouveaux projets ? Mystère*.
Quelles sont ensuite les nouvelles orientations souhaitées par la Ville de Tours ? Avec un budget de plus en plus restreint au fil des ans, Jean-Yves Ossonce avait réussi à maintenir un cap où diversité rimait avec qualité. Dans des mises en scène plutôt traditionnelles, parfois ingénieuses, les décors et costumes trahissaient souvent le manque de moyens mais les programmes alternaient avec intelligence grand répertoire, opérette et œuvres plus rarement représentées. Cette saison par exemple, Madama Butterfly, La Belle Hélène et Trouble in Tahiti. Seul le répertoire baroque faisait défaut mais on sait les coûts engendrés par ce répertoire en raison de l’emploi de formations musicales spécialisées. Autour d’une équipe d’artistes fidèles formant presque une famille, on a pu découvrir à Tours en avant-première certaines grandes voix d’aujourd’hui : Lianna Haroutounian dans Simon Boccanegra en 2011 par exemple. Rappelons également le niveau atteint par l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire–Tours, niveau dont témoignent plusieurs enregistrements – Le Coeur du moulin de Déodat de Sévérac, la Symphonie n°3 de Ropartz, entre autres. Face à ce bilan, aussi méritoire que satisfaisant, comment ne pas s’interroger avec inquiétude sur l’avenir d’une maison où l’art lyrique régnait jusqu’à présent en maître.
* Jean-Yves Ossonce dit ne souhaiter aucun entretien à ce sujet : il s’en tient au communiqué reproduit ci-après.
Le vendredi 25 septembre 2015
Après seize ans à la direction du Grand Théâtre Lyrique et Symphonique, vingt ans à la direction de l’orchestre – d’abord Symphonique de Tours, puis Orchestre régional depuis 2002 -, j’ai annoncé à Monsieur le Maire de Tours mon intention de quitter ces fonctions. J’ai proposé de le faire à l’issue de cette saison 15/16, afin de ménager aux autorités compétentes un temps suffisant pour la recherche puis la nomination d’un successeur, sans mettre en péril la bonne marche de l’établissement et de sa programmation dans les mois à venir. Je mesure l’ampleur du travail accompli durant ces années, avec un engagement total, et je veux avant tout remercier l’ensemble des personnels, administratifs, techniques et artistiques, pour leur contribution, chacun à leur place, tout au long de ce chemin parcouru ensemble.
Grâce à ce travail, cet enthousiasme, la place de notre établissement a évolué, tant localement que nationalement, dans un contexte budgétaire toujours contraint. Sa ligne artistique a été identifiée, puis approuvée, quelquefois admirée. De très nombreux projets ont vu le jour, associant la découverte de nouveaux artistes, l’exploration de répertoires méconnus et les œuvres les plus emblématiques. Nous avons pu bénéficier du soutien du public, toujours plus important, et d’un assentiment critique et professionnel assez général.
Je souhaite exprimer une gratitude profonde et particulière à l’égard des artistes de l’Orchestre Symphonique Région Centre Val de Loire/ Tours, pour leur talent, leur attachement à l’évolution de leur formation, et pour toutes les émotions partagées à Tours, en Région, à Paris ou ailleurs. De très nombreux concerts et spectacles resteront dans ma mémoire, et je leur souhaite dès à présent le meilleur pour l’avenir. Merci du fond du cœur pour cette belle aventure artistique. Je remercie pour leur confiance les exécutifs municipaux successifs : Jean Royer et Patrice Baleynaud, qui m’ont nommé à la tête de l’Orchestre Symphonique de Tours en 1995, les trois équipes successives de Jean Germain, dont je salue la mémoire, et ses adjoints à la culture Jean-Pierre Tolochard et Colette Girard. Le Conseil Régional, sans la volonté duquel cette magnifique mission de diffusion régionale que j’ai eu l’honneur de présenter puis de développer, n’aurait pu éclore : je pense à Michel Sapin, Alain Rafesthain, et François Bonneau. Et les présidents successifs du Conseil Général puis Départemental : Marc Pommereau, Claude Roiron, Marisol Touraine, Frédéric Thomas et Jean-Yves Couteau. Et bien sûr la DRAC Centre, pour la constance de son soutien, avec sa directrice actuelle Madame Le Clech.
Je remercie enfin Monsieur le Maire de Tours pour les rendez-vous professionnels, toujours empreints de cordialité, que nous avons pu avoir depuis un an environ pour parler de l’Opéra et de l’Orchestre. Depuis plusieurs mois, j’ai eu l’intuition puis la certitude personnelle que la Ville souhaitait finalement, sans
toutefois l’exprimer vraiment de manière claire, définir de nouvelles orientations pour ce « navire amiral » de la culture tourangelle ; ce qui est d’ailleurs tout à fait légitime pour des élus, a fortiori pour une nouvelle équipe. En toute honnêteté, je ne pense pas être la personne adéquate pour piloter cette nouvelle période. Comme je l’avais dit en prenant cette charge dans un contexte difficile en 1999, « personne n’est propriétaire de sa fonction ». Je l’exprime d’autant plus sereinement aujourd’hui que personne ne m’a demandé de partir.