C’est presque le Chant du cygne du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg. Sa disparition-fusion, en 2016, avec le SWR de Stuttgart, paraît inéluctable.
En attendant, le programme, conçu par Michael Gielen à Dijon l’autre soir, associait étroitement Bach au « dernier » Stravinsky. En guise d’introduction, le ricercare de l’Offrande musicale dans la réalisation qu’en fit Webern. Suit l’avant-dernier ballet de Stravinsky, Orpheus, d’un modernisme qui n’a pas pris une ride. Ces pages sont splendides, d’une densité rare malgré leur transparence diaphane, servies à merveille par un orchestre qui s’y abreuve depuis longtemps. C’est Reinbert de Leeuw, le fondateur du Schönberg Ensemble, qui supplée Michael Gielen, maintenant d’un très grand âge.
La seconde partie illustre deux œuvres vocales dont le croisement insolite s’avère une réussite singulière : le motet « Jesu, meine Freude » de Bach et le « Canticum sacrum » qu’écrivit Stravinsky pour Venise, en 1956. Michael Gielen a choisi de faire alterner les numéros du premier, qu’il a orchestrés, avec les différentes parties du second. La fusion est intemporelle, le motet, enchassé dans son écrin contemporain s’accorde remarquablement à l’écriture novatrice du Canticum sacrum. Le chœur et les solistes y jouent les premiers rôles. « Jesu, meine Freude » est chanté de façon surprenante, loin des interprétations baroques chargées d’expressivité. La douceur piétiste, le raffinement d’ un chant désincarné, intemporel, rejoint la ferveur contenue du cantique sacré. Deux duos et un air sont confiés à chacun des solistes. Marcel Beekman, ténor remarqué cette année (Platée par Carsen et Christie à l’Opéra-Comique en 2014) a la voix pleine, puissante et articulée avec intelligence. Rudolf Rosen, remarquable baryton suisse, réputé mozartien, s’accorde parfaitement au ténor avec une projection superbe, bien timbrée, La partition, d’une difficulté redoutable, tant pas les intonations (atonalité et sérialisme) que par la complexité des mètres, des rythmes et de la prosodie leur semble un jeu d’enfant. L’homogénéité du chœur, sa plasticité font merveille tant dans Bach que dans Stravinsky. L’orchestre excelle dans ce répertoire exigeant : précision millimétrée, maîtrise des nuances, des accents, somptuosité des timbres, une prestation superlative.
Bach – Stravinsky. SWR Vokalensemble Stuttgart, SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, Reinbert de Leeuw (direction musicale ). Marcel Beekman (ténor), Rudolf Rosen (baryton). Dijon (Auditorium), jeudi 4 décembre