« Je me mis à haïr l’opéra. Je décidai que la musique serait désormais exclue de mes préoccupations » : cette déclaration, motivée par le rejet du père, émane étonnamment de Caroline Alexander, notre collègue du site webthea. Tous ceux qui sont habitués aux premières, à Paris et ailleurs, ont forcément croisé au moins une fois son regard acéré de critique d’opéra. Elle met aujourd’hui sa plume au service d’un récit autobiographique construit comme une fugue, où s’entrelacent différentes époques de son passé comme autant de voix plus ou moins lyriques. Il y a la voix wagnérienne subie à Paris en 1964, avec Tristan, « l’opéra qui rend fou ». Il y a la voix classique, Mozart-Verdi-Puccini, infligée à Londres dans les années 1950. Il y a enfin et surtout la voix tragique des années 1930 ou de 2011, la voix d’Auschwitz, qui évoque L’Empereur d’Atlantis de Viktor Ullmann, mais où la Mort, loin d’être libératrice, était « au service du pire ». Tel est l’étonnant parcours d’une femme qui consacre désormais à la musique une vie qu’un miracle arracha à la gueule de la Bête immonde, celle qui jamais ne meurt, comme l’actualité vient encore de nous le rappeler.
Caroline Alexander, Ciel avec trou noir. Préface de Pierre Mertens. Illustrations de Raymond Passauro. Editions M.E.O, 2014, 20 euros