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Trop rarement donné au concert, le Requiem allemand de Brahms se chantait à l’Auditorium de Dijon le 2 avril. Nourri tout au long de sa vie de la Bible de Luther, Brahms refuse tout dogme et aborde la mort en humaniste spiritualiste davantage qu’en chrétien, donnant ainsi une portée universelle à son œuvre, élaborée patiemment durant presque quinze ans. Le texte, judicieusement choisi et assemblé par le compositeur, porte l’œuvre. Confié essentiellement au chœur, né de la fusion de celui de l’Opéra de Dijon et d’une formation chalonnaise ambitieuse (Opus 71), celui-ci pêche par une intelligibilité et une expression insuffisantes. La dynamique reste en deçà du texte musical. Gergely Madaras obtient un beau modelé de l’orchestre Dijon-Bourgogne, qui se hisse à un niveau enviable, équilibré, homogène. Les bois superbes, colorés, chantent et articulent à souhait. Les cuivres ne déméritent pas et réservent de beaux moments. Cependant, sa direction, le plus souvent efficace, est insuffisamment attentive au chœur, spécialement dans les grandes fugues des n° 3 et 6, où ce dernier semble livré à lui-même. La dynamique des tempi s’assagit trop souvent au fil des mesures pour retrouver une lecture traditionnelle. Les solistes n’appellent que des éloges. Liesbeth Devos, brillante soprano belge, fait forte impression : voix ample, bien placée, un allemand parfait. On écoute avec une vive satisfaction Mark Stone, magnifique baryton à la voix puissante, dont la projection et le soutien sont exemplaires, à l’articulation parfaite ; un très grand chanteur. Entre une prestation professionnelle exigeante et un amateurisme ambitieux il y a trop souvent un fossé qu’une direction concentrée sur le travail orchestral ne permet pas de franchir. [Yvan Beuvard]