Il est des rencontres d’adolescence qui obliquent durablement le cours de l’existence. Jeune fille, Louise Moaty se destine au théâtre quand au lycée, elle fait deux rencontres capitales. La première est celle d’un intervenant au sein de l’établissement, Eugène Green, redécouvreur du théâtre de l’époque baroque : spectacles à la bougie, « Parlerrr » baroque et interprétation frontale (face au public plutôt que dirigée vers son partenaire de scène). Il va permettre à l’artiste de découvrir une esthétique qui lui correspond tout particulièrement. Le second est un condisciple talentueux, Benjamin Lazar, qui la pousse vers la mise en scène lors d’une collaboration fameuse dans Le Bourgeois gentilhomme.
Venus et Adonis, de John Blow, à l’affiche prochainement de Nantes Angers Opéra après une large tournée de Lille à l’Opéra Comique, est l’occasion de plonger dans cette esthétique toute en stylisation chère à Louise Moaty. Quand elle évoque son travail, la metteuse en scène dit son plaisir à rêver la musique comme pur matériau, comme un discours en soi, aussi important que le texte qui lui est adjoint. Elle est touchée par la fragilité des instruments d’époque, moins stables que les modernes et qui à son avis, mettent plus encore à nu leurs interprètes. Les lumières à la bougie sont pour elle une lumière vivante, comme une présence supplémentaire sur le plateau qui ici, entre en résonance avec le sujet de l’oeuvre : la passion qui consume, mais surtout la fuite du temps. Le séduisant Adonis, jeune chasseur épris de Vénus, est tué par un sanglier. Louise Moaty y voit une allégorie tragique de ce qui nous différencie des dieux : l’expérience du temps et de la mort. Venus et Adonis est un « printemps dans le noir » et les bougies, en se consumant, pleurent elles aussi la mort d’Adonis qui est la nôtre. [Tania Bracq]
John Blow : Venus et Adonis : à Angers au grand Théâtre, dimanche 6, mardi 8, mercredi 9 janvier 2013. A Nantes, au Théâtre Graslin, lundi 14, mardi 15, jeudi 17, vendredi 18, dimanche 20 janvier 2013