Fondé en 1993, l’ensemble Carpe Diem s’est donné pour mission de faire « partager l’accès aux œuvres réservées aux grands orchestres ». Son directeur musical, Jean-Pierre Arnaud, s’est donc livré à un bien curieux exercice : transcrire Tristan et Isolde pour dix musiciens, une soprano et un récitant. Le résultat dure un peu moins d’une heure et ne laisse pas de dérouter ; un enregistrement est disponible dans le commerce (voir recension), mais la version scénique est peut-être plus étrange encore. Avec comme décor une fresque sur contreplaqué ornée d’un bestiaire plus africain que médiéval, on se croit dans une salle des fêtes d’école primaire, impression confirmée par les premières minutes du concert. De très brefs extraits du Roméo et Juliette de Berlioz sont interprétés par un quatuor d’enfants de douze ans et par deux chanteuses adolescentes, le tout annoncé par le boniment de Jean-Pierre Arnaud lui-même. On passe ensuite aux choses sérieuses, avec Tristan. Ce n’est pas tant la transcription qui surprend, mais le charcutage de la partition : tous les personnages à la fois sont confiés au récitant, Lambert Wilson, en préservant quelques répliques d’Isolde, qui sonnent de manière très bizarre, ainsi isolées. D’une voix haut perchée, Christine Schweitzer émet des glapissements plus proches de Pierrot Lunaire que de Wagner, jusqu’au moment où on lui laisse enfin interpréter le Liebestod, et où la chanteuse trouve à déployer ses capacités vocales. Comme le dit Jean-Pierre Arnaud lors d’un réaccord des instrumentistes : « On n’est pas à Bayreuth, hein ». C’est le moins qu’on puisse dire. [LB]
