Ce sont un peu, avec tout le respect qu’on leur doit, les Drôles de Dame de l’art lyrique car elles viennent d’accomplir une mission impossible: écouter 87 chanteurs en trois jours et choisir les 24 qui auront la chance de s’affronter au deuxième round. A la fois exténuant et grisant, ce marathon public a réussi à attirer du monde, surtout en soirée, et ce malgré un été extraordinairement précoce. Renée Auphan, Anna Tomowa Sintow, Raina Kaibavanska et Grace Bumbry ont pu compter avec le soutien de José Van Dam, Tom Krause, Peter Kooij et Helmut Deutsch pour mener à bien cette délicate opération. Sur les 22 nationalités représentées cette année au Concours Musical Reine Elisabeth, la Corée domine encore (21 candidats!), suivie par la France (10, voire 14 en comptant les concurrents qui ont la double nationalité), la Belgique (10) et le Canada (8 ou 10). Sans surprise, les sopranos foisonnent (57), mais il faut relever une proportion significative de mezzo-sopranos (18). Si ces messieurs barytonnent volontiers (7), quelques uns ténorisent (4) et deux tentent de fréquenter les abysses. La proclamation des résultats, ce samedi à minuit trente, a suscité largement l’adhésion, mais également quelques frustrations, cette septième session consacrée au Chant ne dérogeant pas à la règle qui vaut d’ailleurs pour les autres disciplines (violon, piano). C’est le propre des compétitions; du reste, faut-il chercher une cohérence dans la sélection alors que les jurés remettent individuellement leurs points sans discussion ni délibération ? Une seule note peut faire basculer l’avenir d’un candidat et telle artiste à la voix fort jeune, sinon encore un peu verte, mais dotée d’un réel potentiel (le soprano roumain Irina Ioana Balant) passera alors que telle autre restera sur le carreau (le mezzo suisse Eve-Marie Hubeaux) – les noms étant donnés ici à titre d’hypothèse puisque nous ignorons les points que ces musiciennes ont reçus. Cependant, la première déception est étrangère au verdict: Julia Lezhneva, la nouvelle et très talentueuse égérie de Minkoswki (cf. son CD Rossini), s’est désistée in extremis. Celles et ceux qui brûlaient de l’entendre pourront toujours la découvrir dans Les Huguenots (Urbain) mis en scène par Olivier Py et emmené par le chef français à la Monnaie du 11 au 30 juin. A ce stade, 2011 semble néanmoins un très bon cru, probablement meilleur que le précédent (2007). Seuls 4 Coréens chanteront au second tour, par contre, la France et la Belgique alignent l’une et l’autre 5 concurrents, les 2 chanteurs roumains ainsi que les 2 Serbes ont également été retenus de même que 2 Russes, 1 Ukrainienne, 1 Américaine (USA), 1 Canadienne et 1 Allemand. En termes de tessiture, les demi-finales opposeront 12 sopranos, 6 barytons, 3 mezzo-sopranos et 3 ténors. La liste complète des demi-finalistes est disponible sur le site du concours, mais nous aimerions épingler déjà quelques beaux moments offerts par ces éliminatoires: une romance de Nadir (Stefan Cifolelli) émouvante et superbement négociée, qui a d’ailleurs soulevé l’enthousiasme du public; l’aplomb et la maîtrise, riches de promesses (« Marten aller Arten »), d’une Constance de vingt-cinq ans (Elizabeth Zharoff); la Sophie toute en délicatesse, la Manon frémissante de Hong Haeran ou encore le Ford habité et pénétrant de Lee Eungkwang. Présidé par Arie Van Lysebeth, le jury s’étoffera en demi-finales et accueillera Teresa Berganza, Gérard Mortier, Serge Dorny et Peter de Caluwe. [BS]
Concours International Reine Elisabeth: demi-finales du 9 au 11 mai, au Conservatoire de Bruxelles; finales du 18 au 21 mai, au Palais des Beaux-Arts, avec l’Orchestre Symphonique de la Monnaie sous la baguette de Carlo Rizzi (finale et concert de clôture le 9 juin). Infos pratiques: www.cmireb.be Ecouter les prestations des candidats: http://www.rtbf.be/radio/podcast?tab=tags&tags=CMIREB
1 Détails sur le site du concours : http://www.cmireb.be/fr/p/2/139/173/179/jury.html