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A bord du Leipzig-Milan express : les villes chez Wagner et Verdi

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Anniversaire
31 décembre 2012

Infos sur l’œuvre

Détails

 

Madame, monsieur, bonjour. Vous avez pris place à bord du TGV 1813-2013, le Verdi-Wagner express au départ de Leipzig. Il desservira les gardes de Dresde, Munich, Paris, Naples, Rome et Venise. Arrivée prévue à Milan, son terminus, le 27 janvier 1901. Notre train devait initialement partir de Leipzig le 22 mai 1813, pour coïncider avec la naissance de Richard, fils du fonctionnaire de police Friedrich Wagner (à moins qu’il ne soit le fils de Ludwig Geyer, second mari de sa mère), mais notre départ sera retardé afin de permettre la correspondance avec le train omnibus en provenance de Busseto, où est né le 10 octobre 1813 le petit Giuseppe, fils de l’aubergiste Carlo Verdi.
 


Dresde, SemperOper


Vous êtes arrivés en garde de Dresde. Dresde, trois minutes d’arrêt, une pour chacune des créations wagnériennes qu’accueillit le SemperOper : Rienzi en 1842, Der Fliegende Holländer en 1843, Tannhäuser en 1845. Une minute supplémentaire pourra être accordée aux voyageurs désireux de se recueillir sur la tombe de Minna Wagner, morte à Dresde en 1866. Correspondance possible pour Weimar, où eut lieu en 1850 la première représentation de Lohengrin, dirigée par Franz Liszt. Notre train ne marquera pas l’arrêt à Magdebourg, où fut créé en 1836 Das Liebesverbot, premier opéra représenté de Wagner. Pour Die Feen, les passagers devront attendre la création posthume en 1888, à Munich, notre prochain arrêt. Wagner s’est installé en 1864 dans la capitale de la Bavière, bientôt suivi par le chef d’orchestre Hans Von Bülow. Le compositeur était ainsi proche de son mécène Louis II, et de celle qui allait devenir sa maîtresse, sa secrétaire, puis sa deuxième épouse, Cosima Von Bülow, née Liszt. Le 10 avril 1865, Mme Von Bülow donna naissance à sa troisième fille, Isolde, dont Wagner est le père ; à la même époque, Hans Von Bülow dirigeait les répétitions de Tristan et Isolde, créé le 10 juin en présence du roi Louis II. Le 7 décembre, résultat d’une pétition signée par quatre mille habitants de la ville hostiles au compositeur, Wagner fut sommé de quitter Munich. Les passagers désireux de retracer le périple entrepris par Richard Wagner après son expulsion hors de Bavière sont priés de se mettre en contact avec la SNCF, qui leur indiquera les trains à prendre pour se rendre à Lyon, Toulon, Hyères et Marseille. Les chemins de fer fédéraux suisses sont à leur disposition pour Berne, Vevey, Genève, Zurich et Lucerne, villes où Wagner vécut également. Pour les voyageurs préférant rester à Munich, signalons que Wagner put y revenir en 1868 lors des répétitions des Maîtres-chanteurs de Nuremberg, dont la création eut lieu le 21 juin, toujours sous la direction de Von Bülow. Notre train ne desservira pas la gare de Nuremberg, l’évocation de cette ville dans l’opéra qui porte son nom relevant plus d’une germanité fantasmée que de la réalité des lieux.

« On va à Bayreuth, comme on veut, à pied, à cheval, en voiture, à vélo et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux ». N’en déplaise à Albert Lavignac, les passagers pour Bayreuth sont priés d’emprunter un Train Express régional, la ville des Margraves n’étant toujours pas desservie par le réseau des trains à grande vitesse. C’est en avril 1871 que le couple Wagner découvrit cette petite ville de 17 000 habitants, site idéal pour l’implantation de son Festspielhaus dont la première pierre fut posée le 22 mai 1872 : « Il ne doit pas s’agir d’une capitale avec théâtre permanent, ni de l’une de ces grandes stations balnéaires très fréquentées qui m’auraient apporté, justement l’été, un public inapproprié. Il devra se situer au centre de l’Allemagne et être bavarois, puisque je songe à m’installer durablement loin de chez moi, que je pourrai continuer à profiter des bienfaits que me prodigue le roi de Bavière, et qu’il s’agit du seul lieu où je puisse le faire habilement ». Le 28 avril 1874, la famille Wagner s’installa dans la villa Wahnfried récemment achevée. A l’été 1876 eurent lieu les premières représentations du nouveau théâtre conçu par le compositeur : L’Or du Rhin le 13 août, La Walkyrie le 14, Siegfried le 16 et Le Crépuscule des dieux le 17. Il faudrait attendre le 26 juillet 1882 pour la création de Parsifal.
 


Les voyageurs sont invités à préparer leurs papiers d’identité en prévision du passage des douaniers français, car nous allons bientôt franchir la frontière. Rappelons tout d’abord aux non-italianophones que, contrairement aux apparences, le duo « Parigi, o cara » du dernier acte de La Traviata n’a rien d’un hommage à la ville-lumière, bien au contraire, puisque Violetta et Alfredo projettent de fuir la capitale, ses fêtes et son artifice, pour goûter une retraite heureuse et campagnarde. Notre arrivée à Paris est prévue pour le mois de septembre 1839, date à laquelle Wagner s’installa en France avec son épouse Minna (jusqu’en juillet 1842), où il put admirer La Muette de Portici. De ce séjour date la composition de Rienzi, refusé par l’Opéra de Paris malgré sa conformité au modèle meyerbeerien ; Wagner traduisit en français Das Liebesverbot, mais sans plus de succès car le Théâtre de la Renaissance fit faillite. Quant au Vaisseau fantôme, l’Opéra de Paris n’en accepta que le livret (utilisé par le compositeur Dietsch). Quelques années plus tard, Verdi arrive à son tour à Paris, où il se contente d’abord de donner l’adaptation d’un de ses opéras, créé avec succès en Italie quelques temps auparavant : ce sera Jérusalem, créé le 26 novembre 1847. Viendront ensuite des versions augmentées de ballets et soumises à des révisions de plus ou moins grande ampleur, comme Le Trouvère (1857) ou Macbeth (1865), mais aussi et surtout d’authentiques créations sur des livrets originaux en français, comme Les Vêpres siciliennes (1855) ou Don Carlos (1867). Avec ces deux dernières œuvres, Verdi se plie à la forme parisienne du « grand opéra », Don Carlos étant aux yeux de beaucoup le plus grand des grands opéras à la française, en même temps que le dernier. Vingt ans après son premier séjour en 1839-42, et dix ans après un passage éclair lorsqu’il dut fuir Dresde suite au soulèvement de mai 1849, Wagner revint à Paris pour superviser la création de la version française de Tannhäuser ; au 3 rue d’Aumale, les pèlerins pourront aller se recueillir devant la plaque apposée sur l’immeuble où le compositeur séjourna d’octobre 1860 à juillet 1861. En 1869, Rienzi fut monté à Paris, deuxième ouvrage de Wagner à connaître cet honneur, mais le compositeur ne fit pas le voyage.

De Paris, les passagers descendus de notre TGV Leipzig-Milan pourront emprunter diverses correspondances. Les voyageurs à destination de Londres sont priés de se rendre vers la zone d’embarquement de l’Eurostar. Le prochain train arrivera en gare de Saint-Pancras International en 1847, pour la création mondiale d’I Masnadieri. S’ils souhaitent assister à d’autres créations mondiales verdiennes plus éloignées encore, nous suggérons aux voyageurs d’emprunter le Transsibérien pour aller voir La Forza del destino à Saint-Pétersbourg (1862). Pour assister à la création d’Aida au Caire en 1871, consulter une agence de voyages.
 


Palerme, Grand Hôtel des Palmes


La dernière partie du trajet du TGV 1813-2013 s’effectuera en Italie. Notre train desservira d’abord la gare de Naples, où Wagner séjourna durant le premier semestre 1879, puis à nouveau en 1881, et où eut lieu en 1845 la création d’Alzira, un des derniers opéras tirés d’un drame de Voltaire et sans doute l’un des opéras aujourd’hui les moins joués de Verdi (1845) ; quatre ans après, le compositeur laissa au San Carlo un bien meilleur souvenir grâce à Luisa Miller. Un ferry est à la disposition des voyageurs souhaitant visiter Palerme. Outre qu’elle sert de décor aux Vêpres siciliennes (comme le précise au deuxième acte l’air « Et toi, Palerme, ô beauté qu’on outrage, Et toujours chère à mes yeux enchantés ! Lève ton front courbé sous l’esclavage Et redeviens la reine des cités ! ») et à Das Liebesverbot, c’est dans cette ville que Wagner termina la composition de Parsifal, de décembre 1881 à avril 1882, au Grand Hôtel des Palmes. Notre train effectuera son deuxième arrêt à Rome, ville où Tannhäuser part en pèlerinage entre le deuxième et le troisième acte de l’opéra auquel il donne son nom, et dont le Teatro Argentina peut se vanter d’avoir créé deux œuvres mineures de Verdi, I Due Foscari (1844) et La Battaglia di Legnano (1849), tandis que le Teatro Apollo eut l’honneur de se voir réserver la primeur de deux œuvres majeures, Il Trovatore (1853) et Un ballo in maschera (1859).
 


Bienvenue en gare de Venise. Venise, deux minutes d’arrêt. A partir de 1859, Wagner se rendit à plusieurs reprises dans cette ville, le chant des gondoliers lui ayant inspiré la mélodie du pâtre de Tristan. Les passagers qui le désirent peuvent aller se recueillir devant le palais Vendramin-Calergi, où Wagner séjourna pour la première fois à l’automne 1876, pour se remettre de la fatigue liée à la première saison de Bayreuth (le bâtiment abrite aujourd’hui un musée Wagner et le casino de Venise). Après un nouveau séjour en octobre 1879, le compositeur y vécut ses derniers mois, à partir de septembre 1882, et et il y mourut le 13 février 1883. Le théâtre de La Fenice mérite lui aussi un détour, non à cause du concert de Noël 1882 qu’y dirigea Wagner (un orchestre de jeunes musiciens y interpréta sa Symphonie en ut majeur, composée un demi-siècle auparavant), mais parce qu’y furent créés quelques œuvres importantes de Verdi : Ernani (1844), Attila (1846), Rigoletto (1851), La Traviata (1853), Simon Boccanegra (1857). I Due Foscari se déroule dans la cité des Doges, mais La Fenice avait jugé le sujet inapproprié ; attention aux confusions : ce n’est pas à Venise mais à Gênes, que se déroule l’action de Boccanegra). De Venise, correspondance à destination de Trieste pour Il Corsaro (1848) et Stiffelio (1850).
 


Verdi dirigeant son Requiem à La Scala


Mesdames et messieurs, dans quelques instants, notre train entrera en gare de Milan, son terminus. Veillez à ne rien oublier à votre place. Les passagers pour Florence, où le Teatro della Pergola accueillit en 1847 la création de Macbeth, sont priés de consulter le tableau des correspondances. Nous vous souhaitons un agréable séjour à La Scala , où Verdi donna ses quatre premiers et ses deux derniers opéras, et pas grand-chose d’autres entre ces deux dates extrêmes. Sont venus d’abord les très oubliables Oberto (1839), échafaudé à partir de deux tentatives antérieures, un Lord Hamilton et un Rocester (dont la musique est perdue) et Un giorno di regno, ossia il finto Stanislao (1840) première tentative malheureuse dans le domaine comique. Dans un Milan sous domination autrichienne Verdi livra ensuite le très patriotique Nabucco (1842), qui lui vaut son premier triomphe et dans lequel chante sa future épouse, Giuseppina Strepponi ; tout aussi patriotique, mais en transposant la situation de l’Italie dans un autre contexte historique encore, I Lombardi alla prima crociata (1843, le futur Jérusalem de Paris), et quelques années après Giovanna d’Arco (1845), son premier opéra d’après Schiller (le dramaturge allemand lui inspirera aussi I Masnadieri, Luisa Miller et Don Carlos). Milan accueillit surtout les deux ultimes chefs-d’œuvre par lesquels le maestro se hisse enfin à la hauteur de ce Shakespeare dont Wagner avait très tôt passé Measure for Measure à la moulinette afin d’en tirer Das Liebesverbot, ce Shakespeare autour duquel Verdi aura longtemps tourné sans oser s’y risquer autrement que pour Macbeth : Otello (1887) et Falstaff (1893).

Comme il se doit, la plupart des villes desservies par notre TGV célébreront cette année le double bicentenaire :

  • A Dresde, outre plusieurs reprises d’oeuvres déjà au répertoire (Don Carlo, La Traviata, Lohengrin, Rigoletto et Un ballo in maschera), le SemperOper proposera une nouvelle production de Der fliegende Holländer en juin (voir le site du théâtre)
  • Après une nouvelle production de Rigoletto ce mois de décembre, Munich donnera un nouveau Simon Boccanegra et un nouveau Trouvère en juin 2013, et reprendra Aida, la Tétralogie, Tristan et Isolde, Parsifal, Otello, Der fliegende Holländer, Macbeth, La Traviata, Tannhäuser, Lohengrin, Falstaff et Don Carlo (voir le site du théâtre)
  •  Au festival de Bayreuth, c’est une année sans Tristan ni Maîtres-chanteurs, mais avec une nouvelle Tétralogie dirigée par Kirill Petrenko et mise en scène par Frank Castorf, remplaçant Wim Wenders initialement annoncé (voir programme)
  • On sait qu’à l’Opéra de Paris, la grande affaire de la saison est la reprise de la Tétralogie, et la reprise de Falstaff fera office d’hommage à Verdi (voir le site de l’OnP)
  • Le San Carlo de Naples offrira cette saison La Traviata, Der fliegende Holländer et Rigoletto (voir le site du théâtre)
  • A Palerme, le Teatro Massimo programme une Tétralogie complète entre janvier-février et octobre-novembre, Nabucco, Aida et Rigoletto se glissant entre les deux premiers et les deux derniers volets du Ring (voir le site du théâtre)
  • A Milan, on le sait, la saison s’est ouverte avec Lohengrin et se poursuivra avec Falstaff, Nabucco, Der fliegende Holländer, Macbeth, Oberto, la Tétralogie et Un ballo in maschera, Don Carlo et Aida (voir le site de La Scala)

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