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Dix animaux maltraités sur une scène d’opéra

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Humeur
9 novembre 2015

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Si le sort d’Easy Rider à l’Opéra Bastille indigne actuellement les amis des bêtes, il ne faut pas se voiler la face : la maltraitance animale à l’opéra ne date pas d’hier. Nous en avons réuni ici quelques exemples édifiants, sur près d’un siècle et demi.

Nota bene : Aucun animal n’a été blessé ou maltraité pendant la rédaction de cet article, à part ses deux auteurs qui ont dû longuement se triturer la cervelle…
 

1. Un étalon dans Die Walküre (Richard Wagner) à Bayreuth en 1876

Premier exemple historique de maltraitance animale sur une scène d’opéra : en 1876, Louis II offre à Wagner l’étalon Cocotte, destiné – bien contre son gré – à incarner Grane, la monture de Brünnhilde lors de la création de la Tétralogie à Bayreuth. Un an après, Anna Sewell dénonce les traitements infligés aux animaux non-humains dans son roman Black Beauty, mais c’était en Angleterre, loin de la Bavière… [Laurent Bury]

2. Des colombes dans Pelléas et Mélisande (Claude Debussy) à Cardiff en 1992, puis Paris en 1994

Pour ce Pelléas, en accord avec le metteur en scène Peter Stein, Pierre Boulez ne voulait pas de symbolisme éthéré, mais au contraire, un robuste réalisme. Karl-Ernst Herrmann a donc conçu un décor à transformations où évoluait une Mélisande dont les cheveux étaient vraiment plus longs qu’elle. Et quand les colombes s’envolaient de la tour, on lâchait sur scène d’infortunés volatiles, maintenus en cage pendant des heures, au lieu de se fier à l’imagination du spectateur, qui aurait très bien pu les entendre sans les voir. [Laurent Bury]

3. Des poules dans Les Brigands (Jacques Offenbach) à Paris en 1993

Les poules ont parait-il une excellente audition. On dit même que la musique les rendrait plus productives. Est-ce la raison de leur présence sur le plateau des Brigands à La Bastille en 1993 puis un peu partout en France ? En leur faisant chaque soir entendre « le bruit des bottes, des bottes, des bottes », on espérait sans doute booster la ponte de ces gallinacés. Pourquoi sinon transformer une scène d’opéra en basse-cour ?   [Christophe Rizoud]

4. Une vache dans Les Mamelles de Tiresias (Francis Poulenc) à Lyon en 2010, puis Paris en 2011

Opéra-bouffe d’après le drame surréaliste de Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tiresias se prêtent mieux que d’autres à certaines fantaisies. A Lyon en 2010 puis Paris en 2011, la transposition par Macha Makeïeff de l’ouvrage de Francis Poulenc dans l’univers du cirque n’aurait pas forcément été une mauvaise idée, si elle n’avait servi de prétexte à exploiter la race animale. On suppose que les puces échappant à leur dresseur durant le spectacle étaient fictives. En revanche, le bovin traversant la scène n’avait rien de factice et en guise de mamelles, nous eûmes finalement le pis de la vache. [Christophe Rizoud]

5. Un dromadaire dans Aida (Giuseppe Verdi) à Massada en juin 2013

Dans sa mise en scène d’Aida au pied de la forteresse de Massada, Charles Roubaud se préoccupait moins de théâtre que d’effets visuels, écrivions-nous à la sortie du spectacle. Mais était-il nécessaire de pallier son manque d’imagination dramatique en recourant à un dromadaire pour convoyer Aida sur scène au premier acte ? Quoi, une esclave à dos de chameau quand Amnéris, la fille de Pharaon, n’avait que ses deux jambes pour se déplacer ! Incongrue, l’idée avait surtout pour défaut d’aveugler de lumières un pauvre animal auquel on n’avait pas demandé son avis mais qui aurait sans doute préféré rouler sa bosse ailleurs. [Christophe Rizoud]

6. Un chat dans Dialogues des Carmélites (Francis Poulenc) à Lyon en octobre 2013  

Dès le Moyen Age, les recueils d’instructions adressées aux religieuses concédaient à celles-ci la possession d’un chat, à condition que leur amour pour le félin ne soit pas en concurrence avec celui qu’elle devait à Dieu. Pour monter Dialogues des carmélites  à Lyon, Christophe Honoré a donc cru bon de recruter comme figurant un superbe chat roux. Ingratitude suprême, son nom n’est même pas mentionné dans le programme de salle. [Laurent Bury]

7. Deux perroquets dans Der Rosenkavalier (Richard Strauss) à Anvers en décembre 2013

En invitant Christoph Waltz à mettre en scène Der Rosenkavalier, l’Opera Vlaanderen tentait un de ces coups dont il est coutumier. La tentative de provocation aurait échoué si l’acteur autrichien n’avait, par barbarie autant qu’inexpérience, tenu à relever un propos théâtral assez fade en obligeant deux perroquets au premier acte à servir d’éléments de décor. Comme s’il fallait ajouter aux « chiens minuscules et au petit singe » indiqués par de sadiques didascalies, deux oiseaux en cage pour donner à comprendre le luxe désordonné des appartements de La Maréchale. [Christophe Rizoud]

8. Deux chevaux dans Macbeth (Giuseppe Verdi) à Paris en avril 2015

Macbeth au Théâtre des Champs-Elyséesen avril 2015 usait de la vidéo pour montrer ce que d’habitude l’on ne voit pas forcément : le spectre de Banquo, les apparitions du 3e acte, etc. Deux chevaux, bien réels eux, participaient à cet inutile festival d’images. Ils paradaient sur scène quelques minutes avant de regagner une étroite bétaillère parquée devant l’entrée des artistes le temps des représentations. C’est ainsi qu’il flotta plusieurs jours durant, devant les boutiques de luxe avenue Montaigne, une odeur d’écurie. Justes représailles à cette vaine parade. [Christophe Rizoud]

9. Un chien dans L’Elixir d’amour (Gaetano Donizetti) à Liège en juin 2015   

Il y a quelques mois, à l’Opéra de Liège, Stefano Mazzonis mixait L’Elixir d’amour avec La Fanciulla del West. Adina et Nemorino chez Lucky Luke, cela se traduisait notamment par la présence en scène d’un chien qui n’avait sans doute pas demandé à incarner Rantanplan, dans des conditions de travail à coup sûr pénibles et stressantes, avec une niche dont on n’ose supposer qu’elle ait pu être en plexiglas. [Laurent Bury]

10. Un taureau dans Moses und Aron (Arnold Schönberg) à Paris en octobre 2015  

Six ans, une tonne et demie, Easy Rider coulait des jours heureux à l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort. Puis un jour, le drame survint : alors qu’on sait que l’écoute de Mozart rassérène les vaches laitières, on lui imposa du Schoenberg à haute dose, puis on l’enferma entre des parois de polycarbonate. Heureusement, tout cela est maintenant du passé, mais une question se pose : après Moïse et Aaron, Easy Rider pourra-t-il jamais retrouver une vie normale ? [Laurent Bury]

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