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Dix choses que vous ne savez peut-être pas sur Arturo Toscanini

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Actualité
26 mars 2018
Dix choses que vous ne savez peut-être pas sur Arturo Toscanini

Infos sur l’œuvre

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Né à Parme le 25 mars 1867, Arturo Toscanini aurait eu 151 ans cette année. Premier chef starifié de l’histoire de la musique, il aura connu Verdi, Puccini, Mussolini… et la télévision. Retour en dix étapes sur un destin exceptionnel.


1. Chef d’orchestre par hasard

En mars 1886, Arturo Toscanini embarque pour le Nouveau Monde. Il a obtenu le poste de premier violoncelle d’une troupe lyrique italienne partie donner une douzaine d’opéras à São Paulo puis à Buenos Aires. L’imprésario est italien, ainsi que l’orchestre, les chanteurs de toutes nationalités. Parmi eux, par exemple, le français Paul Lhérie, créateur du rôle de Don José en 1875 puis, devenu baryton, de celui de Rodrigo à la Scala en 1884 pour la version révisée de Don Carlo. Le chef d’orchestre est un brésilien, Leopoldo Miguez, déjà présent sur place et qui attend l’arrivée du transatlantique. Malheureusement, Miguez est particulièrement médiocre. L’orchestre et les chanteurs s’en aperçoivent rapidement, concluant qu’il faut surtout éviter de suivre sa battue ! Le public finit par s’en rendre compte également. Le succès du début fait place rapidement à l’hostilité. En l’arrivée à Buenos-Aires, les solistes demandent le départ du chef. Après quelques péripéties, Miguez finit par donner sa démission. Le 30 juin à 20h, un nouveau chef monte sur le podium mais la salle le conspue : entre temps, la presse locale a monté l’affaire en épingle, déclarant que leur compatriote est victime d’une cabale des italiens. Le chef des chœurs se présente pour le remplacer : même accueil. Dans la fosse, Toscanini se demande comment il va payer son billet de retour en Europe : du genre « cigale », il a omis de réclamer jusque-là son salaire. A 21h15, le spectacle n’a toujours pas débuté. Quelqu’un propose le jeune Arturo : sa mémoire est prodigieuse (il connait toutes les partitions par cœur après un seul déchiffrage), il a servi de répétiteur pour les solistes et pour les chœurs pendant la croisière. Aussitôt dit, aussitôt fait. Toscanini est propulsé sur le podium et dirige dans un état second (il se souviendra toute sa vie de deux erreurs commises au cours de la soirée). Le public est stupéfait, vite conquis, et c’est un triomphe. La tournée est sauvée. Mieux encore, le 5 août, une soirée est organisée en son honneur au cours de laquelle il reçoit de nombreux cadeaux, l’empereur lui-même, lui offrant un solitaire ! Aujourd’hui, un tel événement aurait eu un retentissement mondial : nous aurions des vidéos de la cabale sur YouTube, des selfies sur Facebook pris à la fin du spectacle. Mais ce miracle, riche d’expérience, sera professionnellement sans lendemain.  Quand Toscanini revient en Italie, il retrouve son poste de violoncelliste dans la fosse du Teatro Regio de Parme.

2. Le réformateur

En 1895, Arturo Toscanini devient le directeur musical du Regio de Turin. Il n’a alors que 28 ans. Il commence par secouer les habitudes de l’orchestre en imposant une audition à tous ses membres historiques. Au Regio comme à la Scala, l’orchestre joue de plain-pied avec le parterre, ce qui le rend trop présent, du fait de la puissance des instruments modernes, plus sonores que leurs prédécesseurs. Toscanini fait construire une fosse. Il fait ajouter une cloison entre les instrumentistes et les spectateurs, afin qu’ils ne se distraient pas mutuellement. Les pupitres des musiciens bénéficient de la lumière électrique, et leur emplacement, est en conséquence, figé pour un meilleur résultat acoustique. Un nouvel orgue est mis en place. Un peu plus tard, Toscanini demandera à ce que la salle soit éteinte pendant le spectacle (nous y reviendrons). La pratique des bis est bannie (ce qui n’empêchera pas Toscanini d’en concéder par la suite en de rares occasions). Toutes ces mesures visent à ce que le spectateur se concentre sur l’œuvre qui se joue devant lui. La nouvelle saison ouvre avec Götterdämmerung, une première en Italie (et Turin ne compte que 300.000 habitants !). Traduit en italien, l’ouvrage est répété en onze jours : un exploit même si l’on tient compte du fait qu’il est amputé d’un quart de sa longueur. Arrigo Boito est dans la salle, conquis. Le succès critique et public est au rendez-vous : l’opéra est joué vingt-et-une fois en six semaines. Les artistes tremblent devant le jeune chef, mais reconnaissent que son niveau d’exigence se constate dans les résultats. Les œuvres se succèdent à une cadence infernale, ce qui n’empêche pas Toscanini de trouver l’amour de sa vie, Carla, à laquelle il ne sera pas précisément fidèle tout au long de sa vie. En 1897, pour la première de Tristan, les lumières de la salle sont éteintes. L’innovation passe bien au niveau des spectateurs mais, encore une fois, la presse fait mousser l’événement. Quelques manifestations bruyantes troublent la deuxième représentation et, à la troisième, il est décidé de jouer dans la pénombre, plutôt que dans le noir absolu. Le bouillant chef est vite repéré par la Scala, en totale déconfiture, mais la ville de Turin fait un pont d’or à Toscanini pour qu’il reste à la tête du Regio. En 1898 toutefois, le départ est inévitable : la Scala est fermée depuis seize mois et l’on attend un miracle. Des responsables des décors aux musiciens, une fois de plus, tout est renouvelé. Cette fois, la salle restera éteinte. Autre réforme : les femmes n’auront plus le droit de garder leur chapeau au parterre. Le rideau vertical peint est remplacé par l’actuel en velours rouge à deux pans latéraux. Toscanini trouve en effet ridicule de voir disparaitre d’abord les têtes des chanteurs, leurs corps et enfin leurs pieds. Enfin, les ballets seront joués à part et non après l’opéra comme c’est encore l’usage. Quand Toscanni reviendra  une deuxième fois à la tête de la Scala, en 1920, les modifications seront encore plus profondes : me proscenium est réduit et une partie de la fosse vient se glisser sous la scène (trois rangs d’orchestre sont ajoutés). Ceci permet un meilleur contact entre le chef et les chanteurs qui sont placés désormais sur la scène en fonction de l’action, et non plus sur le proscenium devant les feux de la rampe. Malheureusement l’acoustique s’en trouve dégradée.

3. Une journée dans la vie d’Arturo Toscanini

Voici, en résumé, ce qu’en dit un journal argentin, à l’occasion d’une tournée en 1901. Le maestro fait son entrée dans le théâtre à 8h30. Il commence par aller inspecter les décors en cours de construction et demande quelques modifications. A 10 heures, il assiste à la répétition des danseuses pour le ballet de l’opéra en préparation (le bien oublié Asrael de Franchetti) et discute de la chorégraphie avec le maître de ballet. A 11 heures, il rejoint les chœurs. Il quitte l’hôtel à 11h45 pour retourner déjeuner à son hôtel en famille et revient à 12h30. Il fait alors répéter l’orchestre jusqu’à 15h. Il va rejoindre les chanteurs en répétition jusqu’à 16h, puis se rend à l’atelier de costumes. A 17h, répétition des scènes de foule sur le plateau avec les artistes du chœur, les extras et les figurants. A 18h, réglage des éclairages. Dîner à 19h. A 20h, il est sur le plateau pour d’ultimes réglages du spectacle du soir, La Reine de Saba. A minuit et demi, la représentation s’achève : jusqu’à 1h30, Toscanini donne ses instructions pour l’opéra du lendemain.

4. Le premier chef d’orchestre « star » 

Les grands chefs d’orchestre actuels (et pas mal de moins grands également) touchent souvent des cachets équivalents ou supérieurs à ceux des plus grands noms du chant. Il s’agit là d’une évolution récente. Lorsque Toscanini devient une première fois directeur musical de la Scala, il ne touche que 12.000 lires par saison (à peu près 50.000 euros d’aujourd’hui) : il en partira suite aux intrigues de Ricordi (il avait refusé de jouer au concert une partition de ce compositeur amateur) pour revenir 3 ans plus tard pour un salaire de 30.000 lires. Entre temps, pour une tournée de trois mois, le Teatro Colon de Buenos-Aires lui offrait déjà la même somme. Mais, même à ce tarif, son cachet par soirée est 15 à 20 fois moins élevé que celui des principaux chanteurs de la distribution. Toscanini n’est pas un homme d’argent, mais il est conscient de sa valeur et de ce qu’il peut exiger en termes de conditions de travail. Quand il part pour le Metropolitan Opera, l’institution new-yorkaise lui propose un cachet net de 25.000 lires par mois (1.200.000 euros annuels, nets, complétés par la prise en charge des frais professionnels du maestro par le théâtre). Le Met était alors le salon mondain de la haute société. On s’y intéressait surtout aux voix et on arrivait souvent en retard, au premier entracte, après le dîner. Avec Toscanini, pour la première fois, un chef d’orchestre va remplir la salle sur son seul nom. Cette fortune fondra rapidement, Carla ayant choisi de convertir la totalité des cachets, payés en dollars, en bonne vieilles lires italiennes : mais celle-ci perdit 80% de sa valeur après la première guerre mondiale. Décidément mal avisée, ou croyant au proverbe qui assure que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, Carla en fera de même avant la seconde guerre mondiale, dilapidant une nouvelle fois les économies du ménage. Preuve de son peu de matérialisme, Toscanini dirigera gratuitement pendant la première guerre mondiale et quasiment jusqu’à ce qu’il reprenne les rênes de la Scala en 1920, acceptant pour une année un cachet inférieur à ce que le Metropolitan lui proposait dix ans plus tôt pour un mois.

5. L’exigence

Lors de sa première saison à la Scala, Arturo Toscanini doit diriger Norma, un ouvrage qu’il a déjà joué à Turin et Palerme. Il juge la production et la distribution trop médiocre et, après la générale, demande à ce que le série soit annulée. La presse se déchaine contre ce qui est jugé comme un caprice de divo (et Ricordi met de l’huile sur le feu pour les raisons exposées plus haut).  Des décennies plus tard, Toscanini confiera n’avoir plus jamais dirigé le chef d’œuvre de Bellini faute d’avoir rencontré un soprano capable de lui rendre justice. Plus tard, lorsqu’il dirige Otello, il doit faire face aux fantaisies d’Arturo Tamagno, créateur du rôle quelques années plus tôt. Le ténor trouve en effet le rôle trop grave et demande des transpositions vers le haut (notamment le duo de l’acte I). Il ajoute des variations de son cru, esquive les notes graves : les tristes « Morta ! Morta ! Morta ! » de la fin sont transformés en gamme ascendante ! Il prétend avoir toujours chanté l’ouvrage ainsi. Tamagno ne sait pas que Toscanini avait mis de côté sa carrière de chef d’orchestre et repris son violoncelle pour rejoindre l’orchestre de la Scala afin de participer à la création de l’ouvrage. Et il se souvient parfaitement de toutes les indications du compositeur, lequel suivait les répétitions depuis une chaise installée sur la scène (Verdi ne dirigea pas le spectacle). A une occasion, il avait d’ailleurs été repris par le compositeur lui-même sur une nuance piano pourtant bien écrite. En l’occurrence, Verdi ne voulait pas d’un effet dans l’absolu, mais relativement au niveau général de la séquence orchestrale. Tout ceci pour dire que le jeune chef ne s’en laisse pas conter. Finalement, Toscanini doit en appeler à l’arbitrage de Giuseppe Verdi lui-même, impressionné par sa mémoire, et Tamagno doit s’incliner. Nous pouvons encore être témoins de ce niveau d’exigence, et de cette mémoire, grâce aux précieux enregistrements réalisés durant les répétitions de l’orchestre de la NBC que Toscanini dirigera dans les années 50. On écoutera avec émotion les extraits de La Traviata, que le vieux chef accompagne de sa voix éraillée. Lors de la scène chez Flora seconde partie de l’acte II), il s’étonne de l’absence d’une partie des tambourins (en réclamant les  « Tamburi !!! » : ceux-ci doivent être joués simultanément, dans la fosse, et sur scène par les choristes incarnant les invités de Flora. On va chercher la partition d’orchestre : Toscanini a bien sûr raison. Un peu plus tard, il reprend le clarinettiste car il ne respecte pas les nuances largo, staccato, largo sur les trois « Rimorso no » du finale de l’acte II, une indication que vous entendrez rarement à la scène (prêtez-y attention la prochaine fois que vous irez écouter une Traviata). On a souvent parlé des colères du maestro : elles étaient plutôt rares. Toscanini laissa le souvenir d’un chef exigeant certes, mais toujours disponible pour expliquer et aider les artistes qui œuvraient sous sa houlette. Et tous reconnaissaient que ce travail n’était jamais en vain, mais au service d’une réussite musicale éclatante.

6. Le redécouvreur

Au tournant du siècle, l’opéra n’est pas encore un genre muséal. C’est au contraire un art bien vivant avec des compositeurs contemporains bien actifs. Quand Toscanini annonce qu’il va reprendre Il Trovatore, des décennies après sa création, un grand scepticisme l’accueil à la Scala où il entame sa première saison. L’ouvrage est jugé trop ridicule pour les grands théâtres. Ricordi, qui en possède les droits, s’oppose même un temps à l’exécution puis doit céder (sa rancœur se terminera sur son lit de mort).  Toscanini revient à la partition originale, bannit les usages interprétatifs erronés, supervise l’interprétation et la mise en scène. Résultat :  le triomphe critique et public est au rendez-vous. On n’avait jamais entendu Il Trovatore ainsi, nettoyé des scories d’une mauvaise tradition. Il est ainsi le père de la direction orchestrale moderne. Toscanini a toutefois laisser le ténor rajouter ses contre-ut dans « Di quella pira », et varier le second couplet de l’air qui le précède « comme l’autorisait Verdi » : c’est que l’ouvrage est à la limite du belcanto romantique. Or, lorsqu’il dirige des ouvrages de Donizetti par exemple (il admire en particulier Lucrezia Borgia), le maestro sait laisser une certaine liberté aux interprètes pour leurs variations, suraigus, cadences… : le style interprétatif l’exige. Plus tard, au Metropolitan, il s’insurge de la rigueur inverse de Malher dirigeant Mozart. Contrairement à la légende, Toscanini n’était donc pas un maniaque de la partition imprimée, sachant faire le tri entre les exigences des différents styles. Toscanini connaîtra encore un grand succès « de stupéfaction »  en recréant L’Elisir d’amore, considéré comme une vieillerie pour bouseux de provinces, avec un ténor débutant promis à une belle carrière : Enrico Caruso.

7. Un chef de son temps

Nous l’avons dit, Toscanini a joué dans la fosse à la création de l’Otello de Verdi. Il a dirigé cet ouvrage, et bien d’autres, du vivant du compositeur. Verdi, déjà âgé, et influencé par Ricordi, ne se déplaça qu’une fois, sous la pression de Boito, pour entendre ses Quattro pezzi sacri sous sa baguette.  De Puccini, il assure les créations mondiales de La Bohème (à Turin),  de La Fanciulla del West et d’lITrittico (l’un et l’autre à New-York), de Turandot (à la Scala). Il créée I Pagliacci de Leoncavallo. Il défend le Nerone de Boito, Madame Sans-Gêne et La Cena delle beffe de Giordano, Germania d’Alberto Franchetti, et nombre de titres incongrus que la postérité n’a pas voulu retenir : Vindice d’Umberto Masetti, Gualtiero Swarten d’Andrea Gnaga, La Forza d’amore d’Arturo Buzzi-Peccia, Ero e Leandro de Luigi Mancinelli pour n’en citer que quelques-uns. Toscanini contribua aux premières italiennes d’un grand nombre d’ouvrages, dont ceux de Wagner, dont il fut un spécialiste incontesté. A Bayreuth, il fut d’ailleurs plutôt déçu par les chanteurs et le niveau général des spectacles. Il y entend plusieurs fois Parsifal (à l’époque, il est interdit de le jouer ailleurs). Certains chefs l’impressionnent tel Hermann Levi. Plus tard, il sera le premier artiste non allemand autorisé à y diriger (on lui doit le Parsifal le plus long, selon la légende). Il créa la version italienne de Salomé à la Scala, quelques jours avant la création « officielle »  à Turin, sous la baguette du compositeur qui avait chèrement monnayé la primeur de l’événement. Sa curiosité s’étend également au symphonique. Toutefois, il ne franchira pas le pas de la musique dodécaphonique. Au total, il possédait, par cœur 117 opéras et plus de 400 pièces symphoniques. Quand nous entendons aujourd’hui Toscanini diriger quelques-uns de ces ouvrages, à la tête de l’orchestre de la NBC ou de la Philharmonie de Vienne à Salzbourg, il nous faut avoir en tête que nous avons là un témoignage directe des pratiques orchestrales et du style interprétatif de l’époque de la création, à la nuance près que ces enregistrements datent quasi exclusivement des trente dernières années de la carrière du chef italien et majoritairement, de la période 1937 – 1954 avec la NBC.

8. Un incroyable legs discographique

En 1937, David Sarnoff décide de créer le NBC Symphony Orchestra qui donnera un programme hebdomadaire de concerts classiques jusqu’en 1954. Arturo Toscanini en sera le principal chef, mais pas unique toutefois. Le premier concert est par exemple dirigé par Pierre Monteux. Durant trois ans, pendant la seconde guerre mondiale, Leopold Stokowski dirigera l’essentiel des concerts radiodiffusés, suite à un conflit du chef italien avec la NBC. Mais celui-ci continuera à se produire avec la formation dans des concerts de soutien aux forces armées. Des « V-Discs » étaient édités dans le même but. Les bandes de ces concerts, parfois retravaillées avec des sessions supplémentaires, seront publiés en disques 78 tours, puis 33 tours. Rapidement la RCA complètera la collection avec des concerts qui n’étaient pas primitivement destinés à la commercialisation. A partir des années 30, Toscanini dirigea également le New York Philharmonic, le Philadelphia Orchestra et le BBC Symphony Orchestra. Dans les années 90, RCA publia une impressionnante collection comportant 84 CD, incluant même des enregistrements acoustiques des années 20 avec l’Orchestre de la Scala de Milan. Certains titres sont en double ou en triple, mais les interprétations sélectionnées diffèrent significativement entre elles, même avec le même orchestre, ce qui rend l’écoute passionnante. Repris dans les années 2000 par Sony, (semble-t-il avec quelques erreurs de report), ce legs est impressionnant, mais parcellaire. Il y manque les opéras enregistrés à Salzbourg, les concerts du Festival de Lucerne, ceux à la tête de l’orchestre de la Palestine, édités par ailleurs, et des dizaines (centaines ?) de concerts inédits avec la NBC, dont l’ultime apparition de 1954, qui existe en stéréo. Régulièrement, ces concerts non édités à l’origine par RCA refont surface, grâce aux bons soins de fibres indépendantes (on peut ainsi goûter au plaisir coupable de l’ouverture de Zampa d’Hérold !). Un éditeur propose même un enregistrement « stéréo » du Requiem de Verdi officiel (mais mono), grâce à une source enregistrement supplémentaire captée depuis une autre partie du théâtre lors de la même soirée. Enfin, on pourra écouter avec passion les extraits de répétitions qui ont été conservés. Plusieurs concerts ont également été filmés, l’un des plus passionnants étant celui d’Aida : si la distribution n’est pas totalement satisfaisante, il se dégage de cette soirée une électricité hors du commun.

9. L’engagement anti-fasciste

Pendant la première guerre mondiale, Toscanini, qui a la cinquantaine, contribue à sa manière. Sur le front, il anime une fanfare qui encourage les troupes. Il y croisera une fois son fils Walter âgé de 19 ans. Profondément révolté par ces années de guerre, Toscanini cède en 1919 aux sirènes du fascisme. A l’époque, le parti de Mussolini, transfuge du Parti Socialiste, se présente en défenseur du peuple : il prône la fin de la monarchie, l’avènement de la république, la confiscation des profits de guerre, le droit de vote des femmes, la distribution de terre aux paysans… Seule différence notable avec l’ancien employeur, la défense de l’unité nationale chèrement acquise, alors que le PS restait internationaliste et pacifiste.  Quand le nom de Toscanini est inscrit sur une liste électorale, le chef d’orchestre se laisse faire. Les élections seront un désastre pour le parti fasciste dont le leader ne sera même pas élu. Dès 1920, Mussolini change du tout au tout l’orientation de son mouvement. Les Chemises noires commencent à créer des troubles. En 1922, c’est la Marche sur Rome et Musssolini est invité par le Roi à former un gouvernement. Toujours à la tête de la Scala, Toscanini déclare « Si j’étais capable de tuer un homme, je tuerais Mussolini ». Mais Mussolini joue finement, laissant incontestée l’autorité du maestro malgré son attitude (refus d’afficher le portait du dictateur, de jouer Giovinezza, l’hymne fasciste…).  Au contraire, il ne cesse de le proclamer plus grand chef d’orchestre du monde et gloire de l’Italie ! La dictature s’installe en 1925 et les fascistes ne se gênent plus. A l’occasion d’un concert à Bologne, en 1931, Toscanini refuse une nouvelle fois de diriger Giovinezza. Il est passé à tabac par des Chemises noires. Il est alors mis sous surveillance et son passeport est confisqué. Il parvient à quitter l’Italie au début de la seconde guerre mondiale et n’y reviendra qu’en 1946 pour la réouverture de la Scala, durement touchée par les bombardements. De cette période date l’émouvant enregistrement de L’Inno delle nazioni de Giuseppe Verdi, complété des hymnes américain et soviétique.

10. Une biographie passionnante

Harvey Sachs, qui semble avoir dédié une partie de sa vie à Toscanini, avait déjà publié une biographie du maestro en 1978. Le 150e anniversaire de sa disparition nous a permis de bénéficier d’un nouvel ouvrage, intitulé Musician of Conscience, très différent du premier et beaucoup plus complet, l’auteur ayant eu accès aux enregistrements des conversations privées du chef d’orchestre captés à son domicile dans les dernières années de sa vie. On y découvre même une lettre d’amour passionnée de Geraldine Farrar qui causa le départ du Met du maestro. De cette substantifique moelle, Sachs a su tirer un ouvrage fascinant, d’une parfaite limpidité d’écriture, accessible dès que l’on possède un minimum d’anglais. Inutile malheureusement d’en attendre une traduction, mais vous pouvez aussi vous remettre à la langue de Shakespeare pour l’occasion !

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