Au 19e siècle alors que s’exacerbent les nationalismes, de nombreuses œuvres cherchent à attiser le sentiment patriotique. En ce 14 juillet, jour de fête nationale de la République française, un florilège s’impose. A la patrie, l’opéra reconnaissant.
1. Auber, La Muette de Portici, « Amour sacré de la patrie » (1828)
Le 25 août 1830 à La Monnaie de Bruxelles, « Amour sacré de la patrie », le refrain incendiaire du duo du 2e acte de La Muette de Portici, enflamme un public échaudé par l’occupation néerlandaise. La foule galvanisée par la musique d’Auber se répand dans les rues et saccage tout ce qui peut symboliser le gouvernement en place. Suite à ce mouvement de révolte, l’indépendance de la Belgique est proclamée le 4 octobre 1830.
2. Rossini, Guillaume Tell, « Tout change et grandit en ses lieux » (1829)
Nombreuses sont les occasions saisies par Rossini dans Guillaume Tell pour faire acte de patriotisme : le trio du 2e acte pastiché par Offenbach dans La Belle Hélène ; « Asile héréditaire » avec son appel au combat qui devance d’une vingtaine d’année la cabalette de Manrico dans Il trovatore ; et plus encore « Tout change et grandit en ses lieux », le chœur conclusif de l’œuvre brandi et enflé jusqu’à former un des plus beaux finales d’opéra qui soit – et rendre encore plus regrettable l’inexplicable adieu aux armes lyriques de Rossini.
3. Bellini, I Puritani, « Suoni la tromba » (1835)
Longtemps, les échos belliqueux de La Muette de Portici se sont fait entendre, jusque dans les œuvres du tendre Vincenzo Bellini : Norma et ses « Guerra ! Guerra ! » vociférés par un chœur insoumis ou dans I Puritani, le duo entre Riccardo et Giorgio, « suoni la tromba » qui est à l’opéra ce que l’affiche « I want you for U.S. Army » est au pays de l’oncle Sam.
4. Donizetti, La Fille du Régiment, « Salut à la France » (1840)
Ah, c’est un sacré régiment que celui mis en musique par Donizetti. Son patriotisme, attisé par l’air de Marie « Salut à la France » a longtemps été la première raison de sa popularité. Il était d’ailleurs d’usage de lui confier l’affiche les soirs de 14 juillet. Si aujourd’hui l’air de Tonio avec ses neuf contre-ut contribue davantage à sa renommée, chaque représentation n’offre pas moins l’occasion d’agiter le drapeau français.
5. Giuseppe Verdi, Nabucco, « Va pensiero » (1841)
En 1842, le peuple italien sous domination autrichienne a tôt fait de s’identifier aux Hébreux opprimés par le roi de Babylone, Nabucco, dans l’opéra du même nom. Acte de résistance, le chœur des esclaves se répand dans la rues de Milan à la vitesse d’une traînée de poudre, en même temps qu’il consacre l’avènement d’un compositeur de moins de 30 ans : Giuseppe Verdi. Aujourd’hui, « Va pensiero » s’impose toutes nations confondues comme le premier des hymnes à la Liberté.
6. Giuseppe Verdi, Attila, « Tardo per gli anni, e tremulo » (1846)
A la conquête du public italien en quête d’indépendance et d’unité, Verdi en ses « années de galère » s’engouffre dans la brèche ouverte par Nabucco (voir plus haut). Avec plus ou moins de subtilité selon les cas, tel ce duo dans Attila où le mot « Italia », stabiloté par la voix de baryton, convaincrait le plus hésitant des apatrides d’effectuer une demande de nationalité.
7. Offenbach, M. Choufleuri restera chez lui, « Italia la bella » (1861)
Les prétentions mondaines de M. Choufleuri l’obligent à offrir à ses invités un simulacre d’opéra italien qu’Offenbach met à profit pour brocarder avec malice tous les poncifs musicaux et les thèmes brassés par le genre, la « patria » – on s’en doute – n’étant pas le dernier des sujets parodiés.
8. Ferenc Erkel, Bánk bán, « Hazám, hazám » (1861)
« Patrie, patrie » (hazám en hongrois) s’écrie le palatin Bánk bán au 2e acte de l’opéra qui porte son nom. Composée peu d’année après la tentative avortée d’indépendance de la Hongrie, l’œuvre a pris valeur de symbole patriotique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Ferenc Erkel a aussi mis en musique l’hymne national hongrois.
9. Offenbach, La Fille du tambour-major, « A l’église rendons-nous » (1879)
D’une fille à l’autre… Avec celle du tambour-major, Offenbach ne cherche pas seulement à reprendre à son avantage le succès de sa grande sœur donizettienne et redorer un sentiment patriotique terni par la défaite de 1870. Son intention est aussi de mettre un terme aux calomnies dont ses origines germaniques (et juives) sont la cause. Bingo ! Lors de la création de l’œuvre, la citation du Chant du départ au dernier acte provoqua une énorme émotion consacrant une dernière fois de son vivant le génie d’Offenbach.
10. Smetana, Libuše, « Bohové mocní » (1881)
Avec pour sujet la fondation de la dynastie des rois de Bohême, Libuše (prononcer Libouché) se pose en emblème du patriotisme tchèque. L’œuvre inaugura à deux reprises le Théâtre national, bâtiment à vocation identitaire alors que le pays subissait la domination des Habsbourg (détruit par un incendie deux mois après sa mise en service en aout 1881, il fut aussitôt reconstruit). Les fanfares de l’ouverture annoncent depuis 1930 les apparitions officielles du président de la république, tandis qu’à l’autre extrémité de la partition, le finale – « Bohové mocní » – prophétise les rois et héros à venir de la nation tchèque.