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Elsa Dreisig : « Je ne suis pas une soubrette »

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Interview
22 novembre 2018
Elsa Dreisig : « Je ne suis pas une soubrette »

Infos sur l’œuvre

Détails

Au lendemain de l’avant-dernière de Médée, nouvelle production qui faisait l’ouverture de la saison au Staatsoper Unter den Linden, Elsa Dreisig évoque cette œuvre, mais aussi son album et sa carrière.


Les représentations de Médée se terminent. Ce fut une belle expérience ?

Cette expérience, je ne l’aurais ratée pour rien au monde. La présence de Sonya Yoncheva a été pour moi déterminante. Elle me montre l’artiste et la femme que j’ai envie d’être ; elle est une femme libre et c’est très inspirant pour moi. Sonya a été la raison principale pour laquelle je ne regrette pas cette production. Car cette Médée a été un moment plutôt pénible qu’un moment de plaisir. En fait, je n’aime pas beaucoup cette musique de Cherubini. Dircé en réalité n’est pas un rôle pour moi ; je ne suis pas colorature, il y a cinq contre-ut dans les deux dernières pages !

Faut-il voir là une contrainte de la troupe ?

Oui tout à fait. Mais quand l’ouverture de la saison au Staatsoper de Berlin se fait avec Barenboïm et Sonya Yoncheva et qu’on me propose Dircé, je n’ai pas le choix. Pourtant, j’avais dit non au début à  ce rôle, mais on m’a opposé que Renata Scotto l’avait chanté… Sauf que Scotto a coupé les deux dernières pages, les plus périlleuses ! C’est compliqué de se présenter sur scène dans ses limites vocales. Mais pour autant cette expérience me forme et me fait grandir.


© Simon Fowler

Vous tirez toutefois un bilan positif de votre passage dans la troupe.

Oui, c’est ma seconde année, avant j’étais à l’Operastudio de Berlin qui en est l’antichambre et j’ai un contrat de 4 ans mais je suis en train de me demander quel dessin je veux donner à ma carrière, dans le sens de la dessiner. A la fois je veux être fidèle à cette maison qui m’a portée et donné mes premiers pas sur scène et en même temps je réfléchis à me lancer dans une carrière free-lance.

Je n’oublierai pas qu’on m’a proposé Pamina alors que cela faisait deux mois que j’étais à l’Operastudio. Et je me souviendrai toujours du moment ou le Staatsoper m’a téléphoné pour me dire, ça y est, on t’offre quatre Pamina. C’était pour moi la plus belle récompense possible.

C’est intéressant aussi pour moi de rester un peu dans la troupe car je suis protégée. Je me sens en sécurité aussi, le public me connaît. Il ne me jugera pas seulement sur la Dircé d’hier soir, car il m’a déjà entendue plusieurs fois. Je peux à la fois proposer des choses comme une Traviata l’an passé, et à la fois prendre des rôles plus secondaires comme celui de Dircé, moins stimulant certes mais qui tout de même me donne toujours plus d’expérience. Et c’est l’expérience sur scène qui fait grandir avant tout. 

Quelle est la musique que vous aimez fondamentalement ?

En ce moment j’écoute en boucle Pagliacci. J’adore cet opéra même si le vérisme n’est pas mon univers d’éducation. J’ai grandi avec Mozart et la Flûte reste mon opéra préféré. Actuellement je travaille Diane dans Hippolyte et Aricie et j’y prends un plaisir absolument fou. La musique baroque est addictive et je comprends qu’on finisse par ne faire que ça. J’aimerais m’y lancer un peu plus.

Est-ce que vous allez savoir dire non ?

J’ai déjà dit non. J’ai dit non à Mimi, à une Liu il y a deux ans même si aujourd’hui je dirais oui à ce rôle.  C’est difficile de projeter sa voix 4 ou 5 ans à l’avance. En tout cas, là où on abime sa voix c’est quand on chante des choses qui ne sont pas pour nous. Alagna disait que Mozart est mauvais pour sa voix, qu’il n’est pas fait pour chanter Mozart. Cela peut surprendre car on dit toujours que Mozart est la base d’un chanteur. Comme quoi il n’y a pas de règles ! Moi au CNSM ce qui m’a fatigué la voix c’est de travailler trop jeune des airs trop aigus de Mozart (Pamina par exemple), alors que « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Dalila était parfait pour ma voix, même à 18 ans.  Il ne faut jamais forcer l’instrument dans une seule direction. Le vrai danger étant de faire comme tel ou tel chanteur, suivre seulement les avis extérieurs sans jamais écouter son cœur. Je crois profondément que l’on sait ce qui est juste et bon pour soi-même.

La longueur d’un rôle est plus importante que la difficulté du rôle. J’écoute comment mon corps réagit à un rôle. Et puis je demande conseil autour de moi. 

Vos envies : les rôles que vous voudriez avoir chantés ?

Je suis gourmande. Je voudrais avoir chanté le plus de rôles possibles. Ce n’est pas un concours mais je suis plutôt de celles qui veulent apprendre des rôles chaque année plutôt que de rôder le même rôle pendant 5 ans. Netrebko tourne actuellement avec 3 ou 4 rôles et elle les propose dans tous les théâtres. Ca, je ne le pourrai pas. Sonya Yoncheva, en 10 ans, a fait 50 prises de rôles, imaginez ! C’est plutôt dans cette direction que je voudrais aller.

J’aimerais chanter tous les rôles de mon album Miroir(s) : Thaïs, Juliette de Gounod, la Salomé etc… Salomé c’est sûr que ça viendra, en français ou en allemand. 

Le fait d’avoir enregistré cet air en français a été rassurant par rapport aux références en matière d’enregistrement. En allemand je ne fais pas le poids. Je me sens davantage légitime en français. Cette version est plus « vierge ». La langue française rend Salomé plus insolente, perverse, la langue allemande la fait plus puissante, plus souveraine.

J’espère aussi faire comme Fleming des rôles mozartiens et straussiens. Et le bel canto italien. Je vais débuter Elvira, Gilda. En fait je voudrais apporter ma pierre à l’édifice du bel canto italien.

Et des rôles que vous n’aimez pas ?

J’avais dit que je ne chanterais pas Zerline mais finalement je le fais à Paris….  Je suis très heureuse parce que Don Giovanni est un opéra merveilleux et puis c’est Jordan qui dirige, je vais essayer de m’amuser. Mais je ne suis pas une soubrette ! Susanna ne m’amuse pas. Je préfère la Comtesse que je vais d’ailleurs chanter prochainement, elle est dans mon calendrier.  Le problème des soubrettes c’est qu’on peut être enfermée très vite dans ces rôles. Et puis, la voix de soubrette doit rester légère, pure, on ne développe pas sa voix dans des rôles de soubrette. Il faut provoquer, avec amour et tendresse, ce développement. Or je suis convaincue que c’est en faisant les rôles qu’on crée sa voix, il ne faut pas attendre que la voix soit « finie »pour faire les rôles plus lyrique du répertoire. Adina, Norina, ne m’intéressent pas trop. 

Et la Traviata, n’était-ce pas trop tôt ?

Non, c’était la plus belle expérience sur scène et le plus grand succès que j’ai eu.  Ce qui est bien c’est que ce n’était pas médiatisé. Il y a eu peu d’articles dans la presse et puis travailler avec  Massimo Zanetti était extraordinaire. Pour me construire en tant qu’artiste, cette prise de rôle était essentielle.

Le choix du metteur en scène est-il important ?.

Pour le moment il s’agit de prendre le plus de rôles possible. C’est maintenant que je peux en faire un peu trop ! A 27 ans le corps se répare vite, on a l’énergie nécessaire. Et puis on verra si dans 6 ou 7 ans, quand je serai arrivée encore plus haut, je prendrai peut être une année sabbatique, histoire de recharger les cartouches et ne pas m’user. Je ne crois pas qu’il faille être trop prudent au début ; c’est la meilleure façon de se fermer des portes. Même chose avec les metteurs en scène. Un chef peut mettre en danger, pas un metteur en scène. On aime ou on n’aime pas une mise en scène mais on s’en sort tout le temps ; il est parfois difficile de défendre une idée qu’on n’aime pas mais c’est parfois plus pénible pour le spectateur que pour les chanteurs. Alors qu’un mauvais chef peut représenter un vrai danger. Je vais être de plus en plus sensible aux chefs. Je note déjà ceux que j’ai beaucoup aimés.

Comment recevez-vous les critiques ? 

Je répondrai en disant que je continue mon chemin. Mes vraies crises de doute je ne les partage pas « officiellement »! Il y a déjà eu des coups durs. Par exemple pour la sortie de mon album Miroir(s) (qui pour autant a été reçu comme je l’espérais), j’ai eu une très mauvaise critique. Sur le moment je me remets en question, j’en oublie la dizaine de bons articles. Et puis je m’assois deux secondes et je réfléchis ; vouloir plaire à tout le monde est vain, voire dangereux pour la création artistique. Ce qui compte c’est la singularité. Dans ce cas, déplaire, cela veut dire qu’on a dit quelque chose qui questionne, qui trouble, qui marque.

Un autre album à enregistrer ?

Plein ! Aussi en formation de musique de chambre, car il m’est très important de garder ce répertoire dans ma carrière. J’adore les récitals avec piano, c’est là où je sens mon expression artistique la plus complète. Je rêverais d’enregistrer Traviata avec Massimo Zanetti. J’aimerais aussi enregistrer des Lieder avec orchestre, comme ceux de Strauss et de Mahler. Et puis, bien sûr, des airs du bel canto !

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