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Entretien avec Nadine Denize : « J’ai toujours considéré que je n’étais pas là pour me mettre en avant, mais pour mettre en valeur la musique »

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Interview
27 décembre 2021
Entretien avec Nadine Denize : « J’ai toujours considéré que je n’étais pas là pour me mettre en avant, mais pour mettre en valeur la musique »

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Sa voix a traversé cinq décennies de l’histoire de l’Opéra. Elle est devenue une mémoire vivante de cet art. Elle porte l’héritage des grands maîtres, une filiation qui lui a été donnée par Germaine Lubin avec laquelle elle a étudié. La noble et discrète mezzo, Nadine Denize, qui a toujours privilégié la musique à sa propre notoriété, nous livre ici tant une leçon d’humilité qu’un témoignage de sincérité et d’authenticité, n’ayant jamais oublié les mots du chef Wolfgang Sawallisch : « La voix est ce que l’on en fait ». En ce qui la concerne, la voix est aussi le reflet de ce que l’on est.


Comment est née votre passion pour le chant?

Ce n’est pas un art pour lequel je me suis pris de passion, c’est en fait une vocation. Jeune enfant, j’ai toujours chanté, ce qu’il est vrai a été facilité par le contexte particulier dans lequel j’ai été élevée. Mon père était militaire dans les Forces Françaises, et après la guerre en 1948/1950, nous séjournions en Allemagne, dans une petite ville, et j’ai donc très tôt été baignée dans la musique. La musique est omniprésente dans la vie quotidienne des Allemands. Ils organisent des concerts. Je me souviens à Noël avoir participé à un spectacle où j’étais habillée en ange et je chantais déjà ! J’allais à l’école allemande, donc je me suis exercée très tôt à la langue. Quand nous sommes rentrés en France, j’ai grandi à Rouen et à cette époque, le Théâtre des Arts était très célèbre. Les artistes qui en sortaient étaient sûrs de chanter sur les scènes Parisiennes. Le conservatoire était également de très haut niveau. J’ai commencé le chant à 13 ans et j’ai eu un prix de conservatoire à 15 ans. Parallèlement j’ai étudié le piano. J’avais un grand-père paternel pianiste et violoniste et il y avait donc un terreau favorable pour que je me dirige vers la musique. Je suis ensuite entrée au Conservatoire National de Paris à l’âge de 18 ans puis dans la troupe de l’Opéra de Paris à 21 ans. Tout s’est finalement enchainé de la manière la plus naturelle qui soit. Et pourtant, étant fille unique, mes parents n’étaient pas favorables à cette carrière sur « les planches », comme ils le disaient, qu’ils associaient à une vie de perdition et sans grandes perspectives professionnelles et financières. Pour faire adhérer mes parents à ce choix, je leur ai d’abord dit faire de la musique pour devenir professeur, une voie qui leur paraissait plus convenable. Et c’est ainsi que j’ai pu m’acheminer vers une carrière musicale, mais seul le chant, qui m’a toujours habitée, m’intéressait vraiment. C’était une espèce d’évidence, il faisait partie de moi.

Aviez-vous  des modèles?

Sans l’ombre d’une hésitation, Kirsten Flagstad qui m’impressionnait dans le répertoire wagnérien. Et comme mon professeur de chant à Rouen m’avait très tôt détectée pour ce répertoire, pour moi il y avait une filiation qui allait de soi. Je me souviens qu’il m’avait dit : « Chantez moi la mort d’Isolde. Avec votre couleur de voix  vous irez certainement dans ce répertoire ». Donc  Flagstad et le répertoire wagnérien avait déjà des résonnances en moi. C’était aussi la grande époque de Callas et Tebaldi, de Del Monaco, que j’écoutais aussi régulièrement.

Vous avez étudié le chant avec Camille Maurane et Germaine Lubin. Quel souvenir en gardez-vous?

Camille Maurane était un musicien et un mélodiste incomparable. Avec lui c’était avant tout le style du chant français que j’ai étudié. Germaine Lubin m’a construit une technique car elle voulait se retrouver en moi. Elle avait déjà fait travailler Régine Crespin, mais de manière ponctuelle car elle devait chanter à Bayreuth et elle voulait s’y préparer. Germaine Lubin avait une forte personnalité, une énergie incroyable. Elle habitait 5 quai Voltaire à Paris, dans un appartement sublime avec des tapisseries et des meubles Empire, et ce magnifique piano noir avec les dédicaces de Strauss. Voilà une chose que l’on n’oublie pas. Il y a une chose que je ne comprends pas : elle est la créatrice d’Elektra en 1932 et on n’en parle jamais. Elle a fait une carrière absolument incroyable. Elle a chanté les Brunehilde, Isolde en 1939, Ariane à Naxos à Berlin. A l’époque une française qui a une telle carrière, c’était inouï. En France, elle n’a pas eu la notoriété qu’elle méritait. Je me trouvais aux Etats-Unis et une dame est venue me voir pour me dire qu’elle écrivait un livre sur Germaine Lubin. « Comme vous l’avez connue,  j’aimerais avoir votre témoignage pour recueillir des choses plus personnelles » et cela m’a fait très plaisir. Les quelques enregistrements qu’elle a faits ont d’ailleurs été remasterisés et édités par les Américains. Au-delà des évènements de l’occupation, on ne lui a pas pardonné sa carrière internationale en France, je pense. Il y a eu beaucoup de jalousie, en plus des évènements de l’Occupation. Elle m’a transmis l’héritage musical qu’elle avait reçu des grands maitres, les indications musicales d’un compositeur comme Strauss, qui était venu à Paris la faire travailler. Quand j’entendais cela, j’étais absolument émerveillée. On travaillait d’ailleurs sur des partitions entièrement annotées par les compositeurs. Et puis, elle était tellement impliquée pour ses élèves, elle m’a présenté de nombreuses personnalités, dont Wolfgang Wagner.  

Parlez-nous de votre expérience dans la troupe de l’Opéra de Paris ?

Le travail de troupe m’a beaucoup appris. C’était la réunion des théâtres lyriques nationaux, ce qui incluait l’opéra-comique. Il s’agissait d’une troupe de 120 chanteurs tous francophones. Les jeunes qui entraient à l’opéra, se rodaient les deux premières années dans des petits rôles et après ils avaient droit à leurs débuts officiels. J’ai donc d’abord chanté de petits rôles comme Mercédès avec Jane Rhodes, qui était une exceptionnelle Carmen. Et puis au bout de deux ans, j’ai fait mes débuts officiels à l’Opéra-Comique dans Werther avec Alain Vanzo et à l’Opéra dans un Faust mis en scène par Maurice Béjart. Une rencontre inoubliable pour la jeune artiste que j’étais. En troupe, il y avait tout un environnement propice à faire éclore les jeunes talents, des metteurs en scène comme Jean Meyer, des chefs de chant merveilleux, Simone Fejard, Madame Gedda qui était la première femme de Nicolai Gedda, avec elles c’était le top du top. Il y avait aussi des éléments magnifiques dans la troupe, comme Albert Lance, Alain Vanzo, Roger Soyer, Suzanne Sarroca.  José van Dam est aussi passé par la troupe,  mais il y  est resté très peu de temps pour aller à Genève puis à Berlin où tout était plus organisé et il s’y est beaucoup plus épanoui. Je me souviens qu’à l’Opéra de Paris, il y a avait très peu d’ouvrages de répertoire, pas plus de quatre ou cinq œuvres que l’on donnait à longueur d’années tels que Carmen, Tosca, Traviata, Fidelio, Bohème, et Il y avait trois titulaires par personnages, et au final on chantait peu. En revanche, à l’Opéra-Comique il y avait un programme beaucoup  plus étoffé car le directeur de l’opéra s’efforçait de donner un ouvrage nouveau chaque mois, et forcément les chanteurs étaient beaucoup plus sollicités et épanouis dans ce théâtre qui était une vraie ruche. Ce qu’il faut savoir, comme on était nombreux, il y avait des chanteurs qui chantaient peu mais qui étaient quand même rémunérés par un salaire. A un moment, les pouvoirs publics se sont émus d’une telle situation, une refonte a été sérieusement envisagée et pour ce faire ils ont fait venir une personnalité charismatique, Rolf Liebermann qui venait du théâtre le plus prestigieux d’Europe à cette époque, Hambourg, pour remettre tout à plat, sur le modèle des théâtres européens, qui fonctionnaient à la saison et non à l’année. Rolf Liebermann a mis fin à la troupe de 120 chanteurs mais il a conservé une dizaine d’éléments de celle-ci dont j’étais. 

Comment êtes-vous passée de la troupe de l’opéra de Paris à une carrière internationale

Quand j’étais en troupe, j’ai commencé à sortir de l’Hexagone. A cet égard, mon premier contrat étranger date de 1969, en Italie, à Palerme pour L’Heure Espagnole, et le Malheurs d’Orfée de Darius Milhaud. C’est à ce moment-là que j’ai souhaité prendre des rôles plus importants et que j’ai commencé à travailler les Wagner notamment avec Nadia Gedda, en songeant que je pourrais me produire ailleurs, et bien m’en a pris, comme la suite le démontrera. Tout ce travail parallèle m’a permis d’aborder d’autres répertoires que ceux donnés au sein de l’Opéra de Paris. Et puis il y avait ce que l’on appelait la tournée du MET. Les saisons étant très courtes et se terminaient au mois d’avril puis on tournait pendant 3 mois dans tout le continent Nord-Américain. Nous avons sillonné tous les États-Unis et tous les soirs nous donnions un ouvrage différent. Et c’est également par ce biais que j’ai commencé à me faire connaitre à l’extérieur.

Quel est votre plus beau souvenir de carrière?

Incontestablement, ma prise de rôle dans Kundry en 1971 à l’Opéra de Paris. Un dimanche matin, à 11 h, je reçois un coup de téléphone de Rolf Liebermann qui voulait que je chante le rôle, le soir même à 18h00, car la chanteuse titulaire venait de l’informer qu’elle était souffrante. Comme j’avais appris Kundry avec Madame Nadia Gedda, et que tout le monde dans la maison le savait, Liebermann a immédiatement pensé à moi. Avec l’inconscience de la jeunesse, j’ai accepté. Mais comme je connais le rôle au rasoir et que j’avais assisté aux répétitions (j’étais distribuée dans la même production en fille fleur), les risques étaient toutefois limités. Aussitôt j’ai été happée par les chefs de chant, on m’a fait répéter, Germaine Lubin est arrivée tout de suite pour m’aider. Et en quelques heures, j’étais opérationnelle, et tout a très bien marché. Ce fut une chance magnifique que j’ai su saisir et qui a marqué le début de ma carrière internationale, ce n’est pas rien à 28 ans. Après ce rôle, on m’a sollicitée pour chanter Parsifal à Munich. J’ai également chanté Don Carlo en Allemagne, tous les Wagner au Staatsoper de Berlin et au Deutsche Oper. J’ai toujours été émue de voir qu’en Italie, en Allemagne, on n’a pas oublié mes interprétations. Là-bas, on n’oublie pas les artistes. Les gens vous rappellent ce que vous avez fait, ils ont une vraie mémoire de la musique. Pour eux, ce n’est pas une distraction, elle fait partie de la vie. Aux Etats-Unis aussi d’ailleurs.

Il y a aussi d’autres souvenirs marquants, comme ma première rencontre avec une personnalité hors normes, qui a été mon mentor en Italie. Francesco Siciliani, le grand manitou de la musique dans la péninsule qui dirigeait tout : la Scala, l’opéra de Rome, l’auditorium de l’Accademia Santa Cecilia, le Festival de Perugia. Alors que j’étais en répétition pour un récital Mahler, dans les studios de la Rai, un matin, (les matins me porte chance (rire). Je finis donc le Chant de la terre, et le régisseur vient me voir, et me dit « Ne partez pas une voiture va venir vous chercher car le directeur artistique de la RAI (une autre des nombreuses casquettes que Francesco Siciliani) veut vous voir ». On était à l’époque des Brigades rouges, à la fin des années 70,  et tout était ultra sécurisé. J’étais avec mon époux et on nous a conduits dans un grand bureau ; Un homme en complet trois pièces entouré de nombreux collaborateurs hommes, nous accueille et me dit d’emblée : « Madame, je vais faire votre carrière en Italie. Votre « timbro » est divin ». Et cet homme a été d’une fidélité incroyable !  J’ai beaucoup chanté en Italie, à la Scala, à Perugia…et il avait son écurie : il y avait Georges Prêtre, Viorica Cortez, magnifique mezzo. Des artistes authentiques. Malgré mes rencontres et mon parcours, je n’ai jamais voulu être sous les sunlights, et on me l’a reproché d’ailleurs. Mais j’ai toujours considéré que je n’étais pas là pour me mettre en avant, mais pour mettre en valeur la musique. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je ne souhaite pas écrire mes mémoires, je ne m’aime pas assez pour ça.

Un autre moment m’a marquée. Je chantais Tannhaüser au Staasoper à Berlin Est lorsque le mur est tombé. Chaque matin une voiture du théâtre venait me cherchait à l’ouest pour m’emmener chanter à l’est. Et un matin, en attendant la voiture du théâtre,  on m’a appris « le mur et tombé cette nuit, vous êtes donc libre de vous déplacer comme vous le souhaitez sans escorte ». Un moment qui laisse une trace.

À quel répertoire êtes- vous le plus attachée, vous qui avez été l’une des rares mezzo à avoir été tout à la fois berliozienne, wagnérienne, et verdienne.

Aux Etats-Unis, d’ailleurs, on m’appelait « Madame Berlioz » (rire), cela me fait penser que les rôles que j’ai le plus chantés dans ma carrière ont été Kundry et Eboli. Oui, tout à fait, j’ai été les trois sur 25 ans. Je suis très attachée à Wagner évidemment. J’ai tout chanté dans Wagner, Tannhaüser, dans les deux versions, la version de Paris et la version de Dresde. Avec un sommet : Parsifal avec Jon Vickers et Kurt Moll, en avril 1976,  inoubliable. Mais pour la dimension théâtrale, j’ai une grande affection pour les rôles Verdiens et surtout Eboli pour le Don Carlos de la Scala de 1978 sous la direction de Abbado avec une distribution de rêve : Carreras, Freni, Ghiaurov. Eboli est avec Kundry, le rôle que j’ai le plus chanté.


Nadine Denize Don Carlos Eboli © La Scala/Piccagliani

Quel est le chef avec lequel vous avez le plus aimé travailler ?

En fait, il y en a eu plusieurs. Alain Lombard, d’abord, un chef inouï qui lui aussi est une personnalité qui ne se mettait pas en avant, mais est resté dissimulé derrière la musique, il dirigeait par cœur, sans partition. Ma voix lui a plu immédiatement, quand il m’a dirigé à Hambourg. Quand il a pris la direction de l’Opéra du Rhin, il m’a réengagée. J’ai en fait constitué tout mon répertoire à Strasbourg : Don CarlosTannhaüser, Rosenkavallier, des ouvrages avec lesquels j’ai circulé partout. Après,  il y a eu Michel Plasson, qui a beaucoup compté. Un homme extrêmement raffiné, très subtil, un maître du répertoire francais. Georges Prêtre a été aussi important pour moi, il m’a dirigé dans les Troyens à la Scala. Un fabuleux chef, un fin musicien qui a eu une carrière phénoménale. Je me souviens qu’on avait pris l’avion ensemble pour aller à Milan, et à l’atterrissage, on est venu le chercher avec une escorte de motards, jamais on aurait vu cela en France. C’était un Dieu en Italie. Et bien entendu, il  y a eu Karajan. Ce fut une rencontre magique, je regrette simplement de ne pas avoir fait plus d’ouvrages avec lui. Il m’a fait un compliment inoubliable, « Votre voix est une rolls Royce » c’est inoubliable, ça m’a touché. Karajan voulait enregistrer Pelléas qui était une de ses œuvres préférées et il souhaitait une voix jeune pour tenir le rôle de Geneviève. A l’époque je devais avoir 35 ans. Et Karajan a expliqué son choix: « je veux une voix jeune car c’est un ouvrage tellement poétique… » J’ai passé une semaine d’enregistrement à Berlin particulièrement passionnante. Carl Böhm m’a marqué aussi. Quand j’ai travaillé avec lui sur La Femme sans ombre, qui a été crée en France en 1972, j’ai écarquillé les yeux : « Est-ce possible de chanter sous la direction d’une telle personnalité ». A Munich, Wolfgand Sallavallisch. Aux Etats Unis, James Levine, qui m’appelait régulièrement. Mon premier engagement américain était au Festival de Ravigna où j’ai chanté les Troyens, et c’est là que j’ai rencontré Levine, qui a été touché par ma voix et m’a promis de me réengager, ce qu’il a fait. J’ai eu beaucoup d’engagements au Met grâce à lui.


Herbert von Karajan, Nadine Denize © collection personnelle de l’artiste 

Comment s’est passé la transition entre la scène et l’enseignement auquel vous vous consacrez pleinement aujourd’hui ?

J’ai fait partie d’un jury à la Schola Cantorum et le directeur m’a demandé de faire partie du staff des enseignants, ce que j’ai accepté car c’est un cadre magnifique, un lieu chargé d’histoire. Quand on a été chanteur de haut niveau, on aspire tous à transmettre notre expérience. J’en parlais souvent avec Christa Ludwig. Tous les lundis, c’est une joie pour moi de retrouver mes jeunes, ce n’est pas qu’une transmission c’est aussi un échange, un dialogue. Je donne également des masterclasses aux Rencontres internationales d’Enghien en Belgique, chaque année, c’est une vraie joie pour moi.

Justement, en quoi l’enseignement est important pour vous  et que voulez-vous  transmettre à vos élèves ?

C’est important car il faut faire revenir les jeunes aux fondamentaux du chant, surtout à l’heure où ils sont très influencés par les réseaux sociaux, et YouTube où ils écoutent des interprétations qui ne sont pas toujours respectueuses des intentions du compositeur et de la musique. C’est une chance de mon époque, on n’était pas influencé par tout ça, on était beaucoup plus rigoureux et concentrés sur ce qui est écrit. Je veux transmettre à mes élèves ce que Germaine Lubin m’a transmis, l’héritage des grands maitres. Etre sincère, et de ne pas trahir la musique.  J’ai 9 élèves chaque lundi, j’exploite leurs qualités, et également leurs faiblesses car celles-ci peuvent être aussi des forces, quand on sait composer avec. Je contextualise mon enseignement, je leur donne des références, de tel artiste ou tel artiste avec lequel j’ai chanté et comment celui-ci abordait le rôle. Et ce qui est formidable, c’est que mes élèves aspirent tous à une carrière, il y a un tel enthousiasme vous verrez dans ma classe !! Certains avaient d’ailleurs un métier auquel ils ont renoncé pour le chant. J’ai une élève qui avait un poste important d’appariteur au Sénat, et qui a tout quitté pour se concentrer sur l’étude du chant et elle s’est inscrite dans toutes les classes à la Schola Cantorum : solfège, piano, chant histoire de la musique, parce que c’est pour elle une révélation. J’ai aussi un ancien élève belge, un baryton, Adrien Barbieri, qui fait une carrière incroyable à Rome. Il est doué scéniquement et vocalement. « La voix est ce qu’on l’en fait » disait le chef Sawallisch, et Adrien incontestablement sait le faire et avec un rare instinct. C’est l’une des voix à suivre. J’ai actuellement deux élèves prometteuses, une mezzo, Raluca Vallois, qui a une personnalité, un tempérament, et qui sait déjà quoi faire avec ce beau potentiel. Elle va faire une création d’une œuvre contemporaine de Jean-Paul Penin, l’ile de Sein, dans le rôle de Camille, et une soprano Audrey Dandeville. Elle a auditionné à la Schola dans l’air de la Reine de la nuit et elle a fait sensation. Stéphane Sénéchal, qui était présent, a été époustouflé et la pressent pour son spectacle, «Le ténor à la fenêtre, de l’opéra à la pop ».


Nadine Denize, Raluca Vallois, mezzo, Schola Cantorum © Brigitte Maroillat

A cet égard, Il m’a d’ailleurs été laissé entendre que vous remonteriez sur scène le temps d’un spectacle?

Oui, je vais participer au spectacle de Stéphane Sénéchal le 23 mars à l’Alhambra. Ce qu’il a fait à sa fenêtre pendant le confinement, c’est une lueur d’espoir dans une situation désespérée, la lumière de la lucarne. Je n’ai pas encore discuté de la conduite du spectacle avec lui. D’après ce que j’ai compris, je dois intervenir comme bouquet final. Je n’ai pas encore choisi ce que je vais chanter, mais ce sera sans doute un Lied de Schubert. Je ne sais pas dans quelle forme je serai en mars, on est fragile à cet âge-là (rire), quoique la voix soit intacte. Je ne travaille pas ma voix, elle est là, elle est en place, et quand je la sollicite elle est là de la manière la plus naturelle qui soit. (nb :  Lors de notre venue dans sa masterclasse à la Schola Cantorum le 13 décembre 2021, nous avons pu le constater, quand  l’artiste chante, elle impressionne toujours autant).

 

Propos recueillis le 11 décembre 2021 au domicile de l’artiste et le 13 décembre à la Schola Cantorum

 

 

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