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Les Fous chantants (10) : Les voix du Seigneur sont impénétrables (première partie)

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Actualité
12 février 2021
Les Fous chantants (10) : Les voix du Seigneur sont impénétrables (première partie)

Infos sur l’œuvre

Détails

Nombreux sont les auteurs, même de musique classique profane, qui composèrent d’immenses œuvres religieuses, quand bien même leur foi n’était rien moins qu’assurée et que leurs comportements n’étaient pas toujours ceux de chrétiens exemplaires (songeons à Carlo Gesualdo, double meurtrier, sadique et masochiste, qui a inspiré à Alfred Schnittke un ouvrage qui ne l’est pas moins pour nos oreilles). Peut-être s’agissait-il d’avoir quelques « biscuits » au cas où, finalement, le Paradis (et surtout l’Enfer) existeraient bel et bien, un voucher en quelque sorte. A l’inverse, les serviteurs de Dieu se lançant dans le show-business sont plus rares, et leur destin souvent moins heureux. Songeons au succès, initialement planétaire, de la pauvre Sœur Sourire (« Dominique-nique-nique ! ») finalement défroquée, apostate, alcoolique et dépressive, et qui se suicidera avec sa compagne pour de tristes problèmes d’argent. Plus près de nous, le trio des Prêtres chanteurs, malgré des ventes dépassant le million d’exemplaires, se sépara après un troisième CD, l’un des participants (plutôt traître-chanteur) s’étant finalement décidé pour les plaisirs charnels.

 


©  Jean Michel Pennetier

 

Première partie : de l’ombre à la lumière

Notre héros du jour aura suivi le parcours inverse. Crescenciano Abel Exaltación de la Cruz José de Jesús Mojica Montenegro y Chavarín (on va se contenter de l’appeler José ou Mojica dans la suite) naît le 14 septembre 1895, à San Gabriel, une petite ville mexicaine à 150 km au sud de Guadalajara. C’est un enfant « naturel » (quoique qu’OGM : Origine Génétiquement Mexicaine) qui ne connaîtra pas avant longtemps l’identité de son père. La famille faisait partie de ces villageois spoliés par l’attribution de la plupart des terres collectives aux grands propriétaires de plantations de canne à sucre, décision qui faisait suite à la constitution de 1857. Bientôt, 97 % des terres cultivables appartiendront ainsi à 1 % de la population. Mais la famille dispose tout de même d’un peu de bien car le grand-père avait gagné quelque argent en Californie avant de revenir mourir au Mexique. La mère Doña Virginia prête libéralement son héritage à ses connaissances (malheureusement comme on le verra plus tard). La communauté vit en cultivant le café et le sucre, l’activité étant rythmée par les nombreuses fêtes religieuses et les prières collectives animées par la très pieuse Doña Virginia. Celle-ci se remarie avec Francisco. José a bientôt un demi-frère : mais celui-ci meurt de la varicelle transmise par José. L’enfant se sent coupable. José travaille consciencieusement à l’école (privée) et gagne un prix de récitation haut la main, suscitant le mépris condescendant de mères d’enfants « mieux nés ». A l’école, il a également « une amoureuse », mais celle-ci décède aussi. Francisco, qui veut « faire de lui un homme », l’amène aux corridas, malgré les réserves de sa mère : l’enfant est dégouté par le spectacle des taureaux éventrés, et encore davantage par l’insensibilité de Francisco vis-à-vis de sa mère. Un jour, l’enfant trouve Virginia en larmes : l’argent prêté est définitivement perdu, les débiteurs ayant fait faillite. Il faut donc faire l’apprentissage de la pauvreté : plus de serviteurs, plus d’école privée, et on apprend à enlever ses chaussettes à la maison pour ne pas les user. Les nouveaux condisciples ne sont pas tendres et le traitent d’efféminé (pour dire les choses poliment), d’autant qu’il continue à être le meilleur élève, ce dont il rend grâce continuellement à la Vierge Marie, à laquelle il voue un culte profond. Avec la bénédiction de sa mère (qui pour une fois fait une entorse à ses convictions), José devient bagarreur et ne se laisse plus tourmenter. De son côté, beau-papa réagit mal à la tequila : désormais savetier, il n’hésite pas à détruire à coup de couteaux les chaussures d’un client mécontent si celui-ci se plaint un jour d’ivresse. Un soir, il s’en prend à sa femme d’une façon si violente qu’il est aussitôt incarcéré. Quelques jours plus tard, sitôt la première communion de José effectuée, sacrement qu’il reçoit avec beaucoup d’émotion, mère et fils quittent la ville dans la crainte du scandale et d’un retour du beau-père violent. Ce qui reste de biens a été vendu à la grand-mère afin de payer le voyage et l’installation à Mexico, où ils espèrent de meilleures conditions de vie. Sous la dictature de Porfirio Diaz, le développement industriel du Mexique a été spectaculaire grâce aux investissements étrangers, mais la population s’est appauvrie, croissant de 66% en trente ans tandis que la production de nourriture baissait de 20%. Maman travaille chez une couturière et met à nouveau José dans une école privée dont il saute quelques classes. Un de ses professeurs essaie d’abuser de lui et il n’y retournera plus. Les malheurs continuent : le magasin est pillé et les deux femmes n’ont plus rien. Le hasard les fait rencontrer d’anciennes connaissances et la mère trouve un emploi dans un restaurant, un logement pas trop cher et une place pour José dans une école catholique française. Mais le restaurant ferme : José doit retourner à l’école publique et tombe cette fois sur une maîtresse anticatholique militante, grande admiratrice de Benito Juárez, d’origine indienne comme elle (Mojica a lui-même des origines lointainement indiennes). Bien que celle-ci l’ait pris en grippe, José continue à accumuler les récompenses scolaires. Au fond de lui-même, il s’avoue que son professeur n’a pas nécessairement tort quand elle dénonce l’hypocrisie de certains catholiques. Sa foi s’étiole et il cesse de pratiquer la plupart des sacrements quand sa mère ne le voit pas. A 13 ans, il rejoint l’institut technique José María Chávez, où l’on pratique un autre culte : celui de la personnalité de l’initié Benito Juárez. Maman s’est remise à la couture et, pour le bien du fiston, a investi dans un abonnement au Teatro Principal, où l’on donne des opérettes et des drames espagnols. C’est là que José va voir et entendre son premier opéra : La Favorita, avec Alessandro Bonci (de quoi vous dégoûter de l’opéra mais c’est un avis personnel). La situation financière de la famille s’est améliorée, d’autant qu’une partie de celle-ci est venue rejoindre les Mojica, ce qui rentabilise le logement. Mais c’est la situation spirituelle de son fils qui désole la mère de José. Celui-ci explique à sa mère qu’il ne l’accompagnera désormais plus à la messe et s’enfuit. Quelques minutes plus tard, il pénètre  toutefois dans une église, tout confus de la peine qu’il a fait à sa mère. Ce jour-là, au Teatro Alameda  il entend Werther, qui restera toujours associé pour lui à ce remords.

 
José Mojica enfant. Sa mère, Doña Virginia. Mojica en uniforme de l’Ecole Nationale d’Agriculture

José a 14 ans. Il a terminé le lycée avec succès. Il s’intéresse à l’art, prend des cours du soir en peinture. Séduit par une parade en uniforme (!) , il persuade sa mère de le laisser rentrer à l’École Nationale d’Agriculture. Parallèlement, il découvre qu’un des habitants de la maison organise des séances de spiritisme : au cours de ces soirées, l’ancien président Benito Juárez intervient par la voix du médium. Il appelle l’assistance à se révolter contre le gouvernement de Diaz. Mojica découvre bientôt que les complotistes cachent des armes et des munitions et il rejoint les cercles révolutionnaires qui amèneront à la chute du « président » en 1911, renversé par Madero. Pour sa (modeste) participation à la révolution, Mojica reçoit la charge de collecteur d’impôt sur les marchés : mais il est vite dégoûté d’essayer d’extorquer 15 centavos à des indiens qui n’en gagnent pas 50, et il est licencié rapidement. Au passage, il passe pour un idiot aux yeux de ses anciens collègues révolutionnaires, et commence à avoir de gros doutes sur le spiritisme (et la révolution). Pour en avoir le cœur net, il décide… de devenir médium, et se rapproche de celle qui avait fait parler Juarez. Les premières séances se succèdent sans succès. Un soir finalement, n’en pouvant plus d’être aussi peu doué, Mojica lance, pour épater l’assistance, qu’il sent quelque chose. Aussitôt, les célébrants habituels le suivent dans son mensonge, déclarant voir un halo vert que lui-même ne voit pas. Un des habitués explique que son corps accueille pour quelques minutes un esprit venu féliciter José d’avoir rejoint les médiums. Amusé, Mojica prend goût à la chose : Madama Butterfly, vue récemment, lui donne l’idée d’incarner un esprit japonais, Sotuyoki, avec grand succès. Parfois, la médium principale fait une erreur historique (comme mélanger les reines de France devant un professeur d’histoire que cela rend furieux) et un acolyte intervient alors, lui aussi en transe, pour expliquer qu’un esprit mauvais vient de prendre la place de la souveraine. Les convaincus le restent donc… Les séances de spiritisme rapportent pas mal d’argent et des protections. Mojica ne sait trop qui ment, qui croit, qui dit vrai, mais est pris au piège de son pseudo talent. Alors qu’il ne sait comment dévoiler la vérité, une séance est interrompue par une délégation d’adeptes de la théosophie qui expliquent doctement que les participants font fausse route dans leurs recherches ésotériques. Quelques décennies auparavant, la doctrine théosophique antique a été relookée par une certaine Helena Blavatsky qui connut son heure de gloire : selon cette doctrine, toutes les religions et philosophies (et même le spiritisme) possèdent un aspect d’une vérité plus universelle, que seule englobe totalement la théosophie. Mojica se voit servi une bouillie lointainement inspirée du bouddhisme et du brahmanisme, majoritairement composée d’après des élucubrations de seconde main. Ainsi, la nourriture est à prohiber (à terme), une bonne respiration suffisant à se maintenir. Dans l’assemblée, la recherche du nirvana remplace celle des esprits, chez les ex-catholiques comme chez les francs-maçons. 

Alors que Mojica vient d’assister à un rite maçonnique célébré par le nouveau président Madero en l’honneur de Benito Juárez, il comprend que de nouveaux troubles se préparent. Il faut dire que le libéral Madero ne va pas tarder à emprisonner tous ses ennemis, comme son prédécesseur. Pendant 10 jours, des affrontements sanguinaires entre les conservateurs, les ultra-révolutionnaires et les forces fédérales, se tiennent nuit et jour dans les rues. La famille voudrait bien partir, mais prendrait le risque du pillage, voire d’une exécution sommaire. Bientôt, il n’en est plus question et les troubles stoppent avec l’assassinat de Madero et de son premier ministre, par les forces du Général Huerta, commandeur militaire de Mexico (soutenu initialement par l’administration républicaine des États-Unis, il sera lâché par les démocrates et ne tiendra que 17 mois). Mojica, qui va avoir 19 ans, reprend le chemin des études dans une école désormais très militarisée et, avec d’autres cadets, se voit même obligé de participer à un peloton d’exécution. Mojica voudrait aider les révolutionnaires, mais le cynisme de ses anciennes relations le dissuade. Devant la progression des opposants à Huerta, l’école est évacuée et dehors, tous les porteurs d’uniformes (étudiants comme militaires) sont abattus sans procès. Mojica parvient toutefois à rejoindre sa famille sain et sauf (sinon, l’histoire s’arrêterait là).


© Jean Michel Pennetier

La révolution de Carranza est un succès et est accueillie avec enthousiasme. Toutefois, Pancho Villa et Emiliano Zapata ne vont pas tarder à se rebeller. Il n’y a plus assez d’étudiants à l’école et celle-ci ne rouvre pas. La plupart des artistes mexicains ont quitté le pays. Seul le Teatro Arbeu propose quelques opéras avec de jeunes chanteurs locaux. Mojica assiste à une représentation de La Favorita (encore !). Pensant avoir repéré une vieille connaissance, Mojica revient à une répétition afin de s’en assurer et l’aborder. On préparait Tosca. Mojica reconnait effectivement un ancien professeur. Sa visite lui ouvre des perspectives : pourquoi ne pas approfondir le chant à l’Academia San Carlos en attendant la réouverture de l’école ? Mojica apprend le solfège, l’italien, le français et l’art dramatique. Il retrouve avec joie son ancienne professeur de Français de l’école catholique privée, Madame Thérèse Bernard Facio. Il déclame les poèmes de Verlaine et des tirades du Chantecler de Rostand. Sa professeur dispose d’une loge au Teatro Arbeu, concédée en échange de leçons de français pour les artistes. Nuit après nuit, Mojica baigne dans la musique. Au cours d’une leçon solfège, Mojica apprend la création d’une compagnie rivale, le Teatro Ideale. Le projet est de monter Les Huguenots (!) mais on manque de choristes. Mojica auditionne, est accepté  et, à son grand étonnement, décrété ténor, lui qui a toujours eu un peu de mal avec les aigus. Madame Facio va l’aider. Un concert est programmé à l’Académie : Mojica insiste pour y participer et obtient un grand succès, accompagné par Madame Facio, en chantant Vorrei de Tosti. Il doit même offrir un bis : « Le sais-tu ? » de Massenet, qui se solde par une ovation. Dans une ville entre deux révolutions et où l’on a du mal à se nourrir, Les Huguenots font un triomphe, mais Doña Virginia a interdit à son fils d’accepter ce travail. A force de lamentations, et grâce à Madame Facio qui réussit à placer définitivement son protégé auprès de la direction, Mojica rejoint le chœur de la nouvelle compagnie, et fait ses débuts dans La Navarraise. Bon acteur, on le met au premier rang dans La Sonnambula et on demande aux autres de l’imiter. Grand séducteur, il reviendra plus tard sur sa première expérience auprès d’une femme plus âgée : Il la qualifiera de « four diabolique dans lequel la fleur de son innocence fut consumée » et qui le mènera « sur le chemin du péché »… Il obtient un premier rôle de soliste avec Gastone dans La Traviata. Il est félicité à l’entracte par une personnalité du monde artistique mexicain, le maestro Cuevas, qui lui conseille de travailler sa voix sérieusement et le prend sous sa protection. Il lui donne de rigoureux conseils d’hygiène de vie : pas de cigarette, l’abstinence, un vrai traitement d’athlète… Le jeune homme n’a pas encore 19 ans et sa voix ne sera pas posée avant sa 20e ou sa 21année. S’il donne sa parole de suivre ses conseils, Cuevas lui donnera gratuitement des leçons. Mojica accepte.


Mojica en Almaviva du Barbiere di Siviglia

Peinture le matin, cours de chant l’après-midi, spectacle le soir… la vie de Mojica commence à se fixer, et les 75 pesos qu’il ramène à sa mère chaque semaine aident la famille à sortir de la misère. Il tombe amoureux d’une jeune fille qui prend elle aussi des cours de chant chez Cuevas. Mais la différence de milieu les sépare. L’apprentissage de la jeune fille n’a d’ailleurs pas la scène comme but : il s’agit de briller dans les salons de la haute société. La troupe part en tournée. Une représentation de Lucia di Lammermoor est interrompue par un envol de chauve-souris depuis les cintres, qui terrorisent les élégantes du parterre qui s’enfuient (sans parler de l’odeur pestilentielle que laissent ces satanées bestioles). Le calme revenu, le spectacle reprend. Mais un des chiroptères est revenu sur les lieux et s’en prend à l’interprète du rôle-titre qui, terrorisée, essaie de s’en débarrasser à coups de poignard. Nul doute que les moins documentés ont cru que cela faisait partie du spectacle. Un autre soir, la salle prend à partie l’interprète de Scarpia, mais Tosca lui règle promptement son affaire avant l’intervention du public. Au bout de quelque temps, les principaux artistes de l’Arbeu partant pour l’étranger, la compagnie doit alors recruter dans le théâtre rival. Cuevas, qui a du nez (et de l’oreille) prépare Mojica pour Il Barbiere di Siviglia et lui organise une audition sans l’avertir. José chante « Ecco ridente in cielo » depuis le fond de la scène. Lui-même trouve sa voix petite mais il est engagé pour chanter le rôle dès la semaine suivante, et fait ses débuts de premier soliste le 5 octobre 1916. Son triomphe ne lui monte pas à la tête. Il chante ensuite dans Manon, puis Faust, Dinorah, La Bohème où il se juge à la limite de ses capacités. Il gagne désormais 300 pésos par semaine. 


Mojica dans Andrea Chénier (peut-être le rôle de l’Incroyable)

Partis aux États-Unis, sa partenaire de Dinorah, Carmen Garcia, et d’autres élèves de Cuevas, chantent à Carnegie Hall et (disent-ils) se voient proposer des contrats d’enregistrement fabuleux pour Victor. La chanteuse se fait tentatrice : avec un physique comme le sien, Mojica serait sûrement engagé au Metropolitan de New York (José mesure 1m 83, comme votre serviteur : avis aux amateurs, mais c’est notre seul point commun). Parallèlement, José s’est lié d’amitié avec le professeur de physique de l’École d’Agriculture qui est aussi… compositeur. Convaincu qu’il ne sera jamais reconnu au Mexique, celui-ci compte partir aux États-Unis pour y donner sa musique. Mojica lui propose de l’accompagner pour chanter ses œuvres. Reste à convaincre Doña Virginia qui vient d’apprendre la réouverture prochaine de l’école. Elle l’exhorte à choisir une vie moins risquée, mais comprend que son fils est avant tout un artiste et finit par lui donner sa bénédiction (et toutes ses économies). José part avec 500$ en poche. Mais là-bas, la situation n’est pas aussi réjouissante que celle décrite. Une partie de la bande est déjà retournée dans sa patrie, les sollicitations pour des concerts et les contrats d’enregistrement s’épuisant. Mojica et ses amis fondent alors un quartet. L’idée est de survivre en chansons dans les théâtres musicaux (les Vaudevilles), si ce n’est par l’opéra. Pas question en revanche de se revendiquer comme mexicains, car le souvenir d’Alamo reste très présent.

Un soir, au Metropolitan Opera, Caruso est à l’affiche dans Rigoletto. Mojica casse sa tirelire pour une bonne place : 6$ de 1917, soit plus de 120$ actuels. Ses compagnons le blâment pour cette extravagance (songeons qu’il est parti avec 500$ en poche). José met son plus beau costume. D’après les remarquables archives du Met, nous sommes le 15 mars ou le 20 avril, et le reste de la distribution n’est pas mal non plus. Giuseppe de Luca interprète le rôle-titre et Maria Barrientos, celui de Gilda. L’orchestre de 80 musiciens attaque le prélude. Le rideau se lève et jamais Mojica n’aurait imaginé une telle splendeur sur scène. Tout vêtu de blanc, Caruso fait son apparition et n’a pas à ouvrir la bouche pour être déjà le personnage. Le ténor napolitain entonne « Questa o quella ». Mojica est terrassé par la qualité de ce qu’il voit et entend, et assommé par l’accueil délirant du public. « Je commençais à m’effondrer lentement dans ma chaise. A l’entracte, je restais où j’étais. J’étais intérieurement détruit, décomposé, défait. Tout ce que j’aurais pu espérer au mieux au Met aurait été d’être accepté dans les chœurs. (…) En me glissant hors du théâtre, j’étais désormais convaincu que mon avenir consisterait à chanter dans les Vaudevilles, les cabarets, ou dans la rue ». Quand ses amis lui demandent comment était la représentation, il répond : « Bouleversante ». 

 

Á suivre : deuxième partie

 

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