Il faut parfois laisser du temps au temps. Après avoir fait ses débuts en Sarastro dans Die Zauberflöte au Festival de Glyndebourne en 1990, Nicolas Cavallier récolte aujourd’hui les fruits d’un travail assidu. L’évolution de sa voix lui ouvre de nouvelles portes ; les propositions se bousculent. En France et à l’étranger, quelques rôles majeurs l’attendent la saison prochaine. Il chante actuellement le Sacristain dans Tosca à l’Opéra national de Paris et il est un des invités les 2 et 3 juin du concert Passionnément Mozart proposé par Radio Classique au Théâtre des Champs-Elysées.
Vocalement, où vous situez-vous aujourd’hui ?
Après avoir été une vraie basse, je me situerais plutôt dans la catégorie des basses-barytons. J’ai en projet Manon Lescaut à Lausanne, Sigurd à Nancy, Don Quichotte de Massenet à Tours, Les Contes d’Hoffmann, Le Démon de Rubinstein à Bordeaux… Une partition magnifique ! Ghiaurov chante l’air mais le rôle a un ambitus énorme avec des sol ; c’est plutôt l’apanage d’une voix de l’envergure de celle de Dmitri Hvorostovsky qui a remis à la mode cet opéra, repris depuis un peu partout.
Comment expliquez-vous cette évolution de votre voix ?
L’extension vers l’aigu est venue naturellement avec le travail, la confiance. Je travaille avec Lionel Sarrazin depuis 20 ans. Il m’a toujours dit : « si tu vas dans le registre de basse-baryton, tu vas avoir un accomplissement vocal plus important ». J’étais un peu sceptique. J’ai commencé le chant tard, à 23 ans. Il a fallu du temps ; l’évolution a été besogneuse au début puis, petit à petit, la voix s’est mise en place. J’ai commencé à chanter les rôles que je souhaitais : les Mozart, les Donizetti, quelques Rossini aussi. Depuis quelque temps, il y a comme un lâcher-prise ; j’ai gagné énormément d’aisance dans l’aigu.
Cette impression d’accomplissement vocal est-elle due à l’émission de notes plus aigües ?
C’est général, tout à coup on a l’impression que la voix s’est assise là où elle devait s’asseoir et que l’on fait les choses que l’on a envie de faire avec plus de facilité, plus de souplesse. Je continue à travailler dans ce sens. Je pense n’avoir jamais autant travaillé sur ma voix qu’actuellement. Plus ça va, plus j’ai envie d’arriver à un résultat et plus le résultat me plait. Pendant des années, j’ai ressenti une frustration énorme. Lorsque j’écoutais mes enregistrements, j’entendais tous mes défauts. J’ai plein de trucs sous cellophane que je n’ai jamais ouverts parce que je me disais que je ne voulais pas les écouter ; ça ne valait pas la peine. D’ailleurs, je n’ai jamais rien mis sur YouTube.
D’autres s’en sont chargés. Comment peut-on intervenir lorsque circulent contre sa volonté des vidéos sur Internet ?
C’est là le problème de tous les supports Internet. J’ai vu des répétitions filmées sur You Tube quelques heures après sans que l’on ne nous ait demandé notre avis. Nous, chanteurs, sommes démunis par rapport à ces pratiques. On sait qu’il y a très peu de contrôle. Nous n’avons souvent pas le temps ni les moyens de saisir la loi. Il est très compliqué d’intervenir. Mieux vaut laisser tomber.
Il ne reste plus qu’à toujours être bon !
C’est exactement ça. Dès qu’on met le pied sur scène, il faut être à 100%. Pour gérer cette pression, il faut avoir une certaine dose d’insouciance, ne pas être dans le psychotique, ne pas se dire « Mon Dieu, tout le monde me regarde, tout le monde me voit ». De toute façon, si on se place sur scène, c’est qu’automatiquement, on veut être vu. Il y a une égocentricité qui est là et qu’il faut assumer.
Quel a été votre parcours ?
Ma carrière a débuté à l’âge de 30 ans. Je suis rentré à la Royal Academy j’avais 23 ans. J’ai fait une année d’Opéra Studio. Tout ça a pris du temps, six ans en tout. Quand j’ai commencé, je ne connaissais rien, je n’avais aucune base de solfège, rien.
D’où venait cette envie d’être chanteur ?
Jeune, je faisais du théâtre. Lorsqu’Antoine Bourseiller m’a demandé de faire de la figuration dans Mireille au Festival d’Arles en 1981, j’ai découvert un univers jusqu’alors inconnu qui m’a fasciné. Metteur en scène, directeur de l’Opéra de Nancy pendant 14 ans, Antoine Bourseiller était un ami de mon père et, en quelque sorte, mon parrain musical. Il m’a d’ailleurs offert un tout petit rôle dans La Veuve joyeuse, qui m’a aidé à financer mes cours de chant, en 1986 je crois. Mes études terminées, je suis resté travailler en Angleterre encore trois ans : Glyndebourne, Scottish Opera…
Pourquoi l’Angleterre ?
J’ai terminé mes études secondaires en Angleterre. Je suis parti à 16 ans parce que je ne supportais pas le système éducatif français. C’est ainsi que je suis arrivé dans une école extraordinaire où en marge des cours classiques l’après-midi on enseignait d’autres matières. Là j’ai appris le chant choral, le piano et même la menuiserie. A mon retour en France, j’ai décidé de faire du théâtre. J’ai suivi notamment les cours de Daniel Mesguich jusqu’à ce Festival d’Arles qui a décidé de ma vocation. J’ai pris des cours de chant ; j’ai essayé de rentrer au Conservatoire du 11e arrondissement à Paris où on m’a dit « non, vous n’êtes pas prêt, vous ne connaissez rien au solfège, etc. ». Quelques mois après, j’ai fait une audition à la Royal Academy à Londres sur les conseils d’une de mes amies pianiste. Ma motivation a convaincu le jury. C’est ainsi que j’ai passé pratiquement 14 ans de ma vie en Angleterre.
Votre maîtrise de la langue anglaise a dû faciliter votre carrière internationale.
Evidemment. Cela m’a surtout donné une espèce de philosophie par rapport à la musique et au chant. Le flegme britannique n’est pas un vain mot. Le star system y est moins présent. Il y a moins de pression. C’est une manière plus sereine d’envisager la musique. La tradition chorale, très présente en Angleterre, m’a permis de faire, jeune, beaucoup de concerts à droite, à gauche – le Requiem de Mozart, etc. –, qui ont participé à mon apprentissage et m’ont apporté une première expérience. Je pense qu’en France la transition est beaucoup plus difficile car on passe des études à un professionnalisme un peu exacerbé. Il n’y a pas de choral society en France. On ne va pas vous proposer A Child of Our Time de Michael Tippett, que j’ai chanté une fois à Bedford. Ce genre d’expérience est pourtant très formateur, d’autant que les Anglais sont très bienveillants ; ils sont cool. En Angleterre, j’ai fait beaucoup de récital. Ici, en faire un tous les cinq ans, c’est déjà formidable ! Je vais chanter avec Karine Deshayes du côté d’Orgeval prochainement. Je vais faire un Instant lyrique avec Thomas Bettinger à Elephant Paname au mois d’octobre. Voilà. C’est rare. Je n’en avais pas fait depuis des années.
N’avez-vous pas l’impression que l’enseignement du chant a évolué en France ces dernières années ?
Je n’en suis pas certain. Les grandes voix dramatiques sont toujours peu présentes en France. Il y a eu une évolution énorme dans le baroque. Il y a de très belles voix, plutôt légères. Quels sont les chanteurs français actuellement auxquels on peut demander un Wagner, des grands Verdi ou Puccini ? Il y en a très peu.
Vous pensez que c’est une question de formation ?
Oui, c’est aussi une question d’esthétique. Rémy Corazza avec qui j’ai chanté De la Maison des morts à Strasbourg en 2013, ténor âgé aujourd’hui de plus de 80 ans, m’expliquait qu’à Paris dans les années 1950-60, il y avait 110 chanteurs dans la troupe de l’Opéra. Il y avait des voix pour tous les rôles, notamment ceux qu’on appelait « les gueulards » auxquels étaient dévolus les emplois dramatiques et qui ont été mis sur la touche ensuite, lorsque Rolf Liebermann est arrivé dans les années 1970 parce qu’ils ne correspondaient pas à son esthétique. Liebermann préférait des voix plus légères, plus élégantes. Je pense que le chant français est en rapport avec cette élégance. Il se prête tout à fait aux choses éthérées, que le baroque représente, mais pour avoir quelque chose de plus animal, je pense que notre fonctionnement psychologique en France n’est pas le même que les Russes par exemple. Aujourd’hui, dans ce grand répertoire, on trouve d’abord des voix de l’Est. Dans Samson et Dalila à la Bastille en 2016, il y avait deux Géorgiens et un Lettonien dans les trois premiers rôles. Et ça continue… Pourquoi ? Parce que ce sont des cultures qui ont par rapport au chant un fonctionnement mental différent du nôtre.
Ne serait-ce pas aussi une question de morphologie ?
Peut-être mais il y a aussi une question de culture, et de langue. La langue française se prête mal au chant, il faut dire ce qui est. Elle a plutôt tendance à encombrer le chanteur qu’autre chose. D’ailleurs, c’est très intéressant d’entendre les chanteurs étrangers chanter en français parce qu’ils essaient souvent de détourner les problèmes par rapport à ceux qu’ils ressentent vocalement avec quelques transformations de voyelles ou de consonnes. Même l’anglais, avec ses diphtongues, est plus facile. Même les chanteurs français doivent faire un travail particulier lorsqu’ils chantent dans leur propre langue. Je le réalise d’autant plus qu’en ce moment je navigue entre l’italien (ndlr : Angelotti dans Tosca à l’Opéra national de Paris), le russe avec Le Démon donc en janvier à Bordeaux , le Français avec Les Contes d’Hoffmann plus l’allemand avec la 9e de Beethoven. Les problèmes sont très différents d’une langue à une autre mais lorsqu’on chante russe, on rencontre moins de problèmes que lorsqu’on chante Les Contes d’Hoffmann, même en étant français. Il faut faire attention de ne pas se coincer la voix avec quelques voyelles ou consonnes. Si on privilégie trop la diction, on a tendance à perdre un peu la ligne de chant, surtout chez les voix graves.
Pourquoi choisir maintenant de s’orienter vers ces grands rôles dramatiques ?
Parce que la voix s’est installée où il fallait qu’elle s’installe. D’où ces nombreux projets dont Le Démon de Rubinstein. J’ai commencé à l’étudier il y a pratiquement un an. C’est un bonheur total. J’adore la musique russe et l’œuvre comprend de beaux airs, un duo qui dure au moins vingt minutes… C’est vraiment la tessiture du Hollandais dans Wagner, que je vais refaire d’ailleurs. Je l’ai chanté il y a 10 ans à Dijon ; c’était un peu tôt. Dans le répertoire germanique, j’ai fait aussi Le Roi dans Lohengrin ; Oreste dans Elektra qui n’est pas un très grand rôle mais qui a des phrases absolument sublimes.
Le but ultime, c’est Wotan ?
Oui, pourquoi pas mais j’aimerais surtout refaire Scarpia dans Tosca, un rôle d’une noirceur extraordinaire.
Le plaisir d’être méchant ?
Le plaisir surtout de l’écriture puccinienne avec des élans vocaux fantastiques, une théâtralité qui rejoint ce que j’aime. Je suis issu du théâtre. J’ai fait pendant des années L’Homme de La Mancha qui était une comédie musicale américaine adaptée en français par Brel. C’est aussi un pur bonheur d’être sur scène dans ce genre de rôles. Ce sont des rôles qui vous donnent beaucoup. On a l’habitude évidemment chez les basses de faire les méchants. On a tout un répertoire de diables formidable. Je vais faire Les Contes d’Hoffmann ; il y a eu Faust deux fois cette année. Mais le diable n’est jamais totalement noir alors que Scarpia l’est. Il y a un autre rôle que j’aimerais faire, c’est Claggart dans Billy Budd , un opéra rarement joué et pourtant sublime.
Combien de rôles comptez-vous à votre répertoire ?
En comptant les petits rôles, je dois en avoir 80 ou 90 à mon actif. Et ce n’est pas fini. On n’arrête pas de m’en proposer. Je vais faire bientôt Barbe-Bleue de Bartok en français au Festival Musiques interdites à Marseille avec mon fils qui dira le prologue et jouera dans la pièce.
Dans ce flot de sollicitations, vous reste-t-il la possibilité de dire non ?
Bien sûr, mais en même temps, je crois que j’ai de très belles années devant moi et j’ai envie de tenter un maximum de choses. J’ai mis à profit trois mois de libre pour Pelléas et Mélisande en Autriche.
Arkel ?
Oui bien que je pense être maintenant davantage Golaud. J’ai toujours une voix assez longue donc Arkel ne me pose pas de problème. Malgré tout, ma couleur est désormais, à mon avis, plus proche de Golaud.
Et Mozart dans l’histoire ?
J’ai chanté énormément Mozart. Mes deux rêves quand j’étais jeune étaient Figaro et Leporello. Je les chantés pendant 15 ans. Je faisais encore Don Giovanni. Il y a un an et demi. Eva Kleinitz m’a proposé Don Alfonso la saison prochaine à Strasbourg. Je suis toujours content de chanter Mozart. Quand Jean-Michel Dhuez m’a proposé Passionnément Mozart ! au Théâtre des Champs-Elysées pour Radio Classique les 2 et 3 juin, j’ai immédiatement accepté. D’abord, cette musique est absolument géniale. Je l’ai chantée très longtemps. SI un jour, là-haut, je rencontre Mozart et qu’il me demande des royalties, ça va me coûter cher, comme beaucoup d’entre nous. J’étudie les airs de concert depuis 35 ans, ne serait-ce que pour éprouver l’évolution de ma voix. J’ai souhaité qu’au moins l’un d’entre eux figure au programme de la soirée car ces airs de concert sont rarement chantés alors qu’ils sont très beaux. « Lequel ? » m’a demandé Jean-Michel. J’avais l’embarras du choix mais finalement j’ai décidé de chanter celui avec contrebasse «Per questa bella mano», une des dernières œuvres de Mozart, écrite l’année de sa mort, en 1791, extrêmement difficile à jouer. En fait, je crois que Mozart, toujours espiègle, a fait une vacherie au contrebassiste qui lui réclamait à corps et à cri une partition : « Ah, tu en veux une, tu vas l’avoir ! ». C’est Yann Dubost à la contrebasse qui m’accompagnera.
Est-il vrai que Mozart est bon pour la voix ?
Oui à condition de savoir chanter. Mozart est extrêmement strict, par rapport à Puccini ou Massenet qui laissent plus de latitude. Mozart veut aussi une certaine pureté vocale. Sa musique est agréable à chanter mais il faut avoir une bonne technique. Il n’y a aucune marge d’erreur. Dès que ce n’est pas bien, on l’entend tout de suite.
Quel regard portez-vous sur l’évolution des mises en scène d’opéra ?
Cette évolution ne me dérange pas. J’ai toujours fait du théâtre. Etant donné qu’au début j’étais plus acteur que chanteur, il a fallu que je pallie mes carences vocales par l’engagement scénique. Je me souviens de mon premier Figaro à Metz en 1993. Une de mes amies à la fin du spectacle m’a dit « Ma mère a trouvé que tu parlais très bien le rôle de Figaro ! » [rires]. La scène et le jeu sur scène ont toujours été une priorité.
L’opéra vous paraît-il aujourd’hui moins élitiste ?
L’opéra reste toujours assez élitiste à mon avis. J’ai quelques inquiétudes lorsque dans certains théâtres, j’ai l’impression que l’âge moyen des spectateurs tourne autour de 60 ans. Voir au contraire de jeunes têtes dans la salle est rassurant. Beaucoup de maisons d’opéra et d’écoles essaient de rajeunir l’audience. Je sais que Saint-Etienne, par exemple, est très actif dans ce domaine. D’autres ont plus de mal à faire ce travail. C’est dommage. On se demande si les générations suivantes continueront d’aller à l’opéra. Il y a quelques années Raymond Duffaut a dû annuler à Orange une des deux représentations du Vaisseau fantôme. Il n’y aura cette année qu’une seule représentation de Guillaume Tell. Un opéra comme Tosca en aurait eu deux. C’est dommage. Qu’en penser ? Seule une poignée d’ouvrages incite les gens à aller à l’opéra. Il y a une carence si le public n’a pas la curiosité de découvrir des œuvres en marge du grand répertoire.
Comment changer les mentalités ?
Il faut à mon avis aller davantage vers les gens, vers les jeunes, avoir des programmes d’éducation de la musique classique… Les avant-premières à destination des moins de vingt-cinq ans sont par exemple une excellente initiative.
Quelle place pour la vie personnelle dans un programme chargé comme le vôtre ?
J’ai eu la chance de chanter beaucoup en France. J’ai deux enfants qui sont grands : un fils de 26 ans qui a fait le conservatoire de Paris et qui maintenant est comédien. Ma fille a 18 ans ; elle suit des études d’art appliqué. J’ai la liberté aujourd’hui d’envisager d’autres horizons.
Y-a-t-il des scènes dont vous rêvez ?
Les villes m’attirent plus que les scènes. Evidemment, c’est toujours très agréable par exemple d’être en Autriche car on sait qu’il y a un public extraordinaire. Les Autrichiens adorent la musique mais Naples, Barcelone… Je ne suis allé qu’une fois à Berlin, au Deutsche Oper, pour un séjour très – trop –bref.
Et New York ?
Une fois avec William Christie mais pas au Met. Peut-être un jour. Ce n’est pas très important. Mon ambition est d’abord de chanter le mieux possible et non de me produire dans les plus grands théâtres ou de gagner beaucoup d’argent. Ce qui me plait, c’est l’artisanat de la voix. Je serais assez content un jour d’enregistrer, les quatre derniers Lieder de Brahms par exemple, que j’ai beaucoup étudiés, ou des Lieder de Mahler, que j’écoute beaucoup.
Comment sait-on que l’on chante « le mieux possible » ?
On ressent plus d’aisance ; la voix s’assouplit. Par exemple, j’ai chanté mon premier Méphisto dans Faust de Gounod en 1997. J’ai trouvé le rôle très difficile. A l’issue des représentations, j’étais très fatigué, au bord de la rupture presque. Dix ans après, à Dijon, ça allait mieux. Je l’ai chanté deux fois cette année sans l’once d’une fatigue vocale. Du grand bonheur ! Est-ce mieux qu’il y a dix ou vingt ans ? Ce n’est pas à moi d’en juger mais je ressens intérieurement une facilité qui est jouissive. Je peux chanter sans problème trois ou quatre fois de suite « Le Veau d’or ». C’est ainsi que je mesure l’évolution. Avec la facilité, on se libère aussi scéniquement. On peut chanter par terre ou de dos. Anna Netrebko ou Bryn Terfel, par exemple, en mettent plein la vue parce qu’il y a cette espèce d’insouciance. On a l’impression que pour eux le chant est un souffle. C’est comme parler, c’est naturel. C’est comme un artiste peintre auquel on mettrait à disposition une entière palette de couleurs. Voilà ce que j’appelle l’artisanat vocal.