Comme chaque année à la même époque, le Théâtre des Champs-Élysée propose, en coproduction avec l’Opéra de Lyon, un ouvrage lyrique en version de concert, choisi en général dans le répertoire italien de la première moitié du XIXe siècle. Donizetti, Bellini et surtout Rossini ont été maintes fois mis à l’honneur. Cette année le choix s’est porté sur un opéra du jeune Verdi, Attila, qui réclame également des interprètes rompus au style belcantiste. En dépit de plusieurs défections par rapport à la distribution initialement prévue, les chanteurs se montrent à la hauteur de la tâche qui leur est confiée, galvanisés sans doute par la baguette électrisante de Daniele Rustoni, le nouveau chef permanent de l’Opéra de Lyon, qui adopte dès le prélude des tempos vifs, jouant sur les contrastes d’une partition rutilante, sans tomber dans le piège de la musique de fanfare. L’air d’Odabella « Liberamente or piangi » qui ouvre le premier acte est dirigé avec délicatesse, Celui d’Ezio au début du deux, « Dagli immortali vertici » est accompagné avec une extrême sobriété tandis que les cabalettes et les fins d’actes sont menées tambour battant avec une intensité sonore torrentielle. Notons à ce propos que les cabalettes sont doublées et que le chef parvient à varier les coloris d’un couplet à l’autre en parfaite symbiose avec son bel orchestre.
La distribution est dominée par le superbe Attila d’Erwin Schrott dont la beauté du timbre et l’ampleur de la voix captent l’attention dès son entrée en scène. On oubliera quelques petits soucis de justesse en début de soirée pour ne retenir que son incarnation magistrale soutenue par des graves opulents et un aigu des plus aisés. Son roi des Huns, est davantage un fin stratège qu’une brute épaisse. Il parvient même à être touchant en amoureux trahi à la fin de l’ouvrage.
Le principal mérite d’Alexey Markov est de parvenir à exister face au charisme de son partenaire, grâce à une voix solide et une technique sans faille. Sa grande scène du deux lui vaut une belle ovation de la part du public.
Tatiana Serjan se mesure au rôle redoutable d’Odabella, véritable soprano dramatique d’agilité, avec des moyens idoines. Elle se sert des raucités de son timbre sur certaines notes pour mieux incarner cette vierge guerrière assoiffée de vengeance. La soprano russe affronte crânement les vocalises meurtrières de « Santo di patria » attaqué à froid au début du prologue et parvient à nuancer son air du premier acte avec dans la voix une émotion contenue. En dépit d’une diction qui manque de netteté, on ne peut que rendre les armes devant cette remarquable prestation.
Le Foresto de Massimo Giordano n’est pas en reste. Le ténor propose un chant dépouillé dans son air « Ella in poter del barbaro » et fait preuve d’une grande maîtrise dans la cabalette qui suit. Le timbre est clair, la voix solide et le style irréprochable. Dans la deuxième partie, il se hisse sans peine au niveau de ses partenaire dans l’ensemble qui conclut l’ouvrage.
Belles interventions du jeune ténor Grégoire Mour, membre du Studio de l’Opéra de Lyon, dans le rôle épisodique d’Uldino.
Aussi convaincants en guerriers qu’en ermites, les chœurs se montrent irréprochable de bout en bout.