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Benjamin Laurent : « Pas un jour sans Mozart et pas une nuit sans Shakespeare ! »

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Interview
21 février 2025
Artiste polyvalent, Benjamin Laurent a joué un rôle central en tant que chef de chant et pianiste dans la récente représentation des Folies amoureuses de Castil-Blaze à l’Opéra Grand Avignon.

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« Diable d’artiste… capable de jouer en virtuose Ravel, Paisiello ou Massenet et de déclamer son texte avec une aisance que pourraient lui envier bien des comédiens chevronnés » écrivait il y a cinq ans Christophe Rizoud* à propos de Benjamin Laurent, l’hyper-doué dont la curiosité et les talents fascinent. Les Folies amoureuses de Castil-Blaze recréées à l’Opéra Grand Avignon il y a quelques jours, ont été l’occasion de lui poser quelques questions.

Comment vous présenter ? Entre les multiples facettes de vos talents, on peine à les hiérarchiser…
Je suis de nature curieuse et enthousiaste. Je me dis souvent que chaque jour est trop court pour faire tout ce qui m’intéresse. Et j’ai un défaut, celui de ne pas savoir choisir. Je suis pianiste, accompagnateur, chef de chant, je commence à aborder la direction d’orchestre. Mais j’aime aussi écrire de la musique, travailler avec les jeunes générations et même jouer la comédie. J’adore l’opéra car il allie ma  passion de la musique à une autre grande passion, le théâtre. Pas un jour sans Mozart et pas une nuit sans Shakespeare !

Castil-Blaze, quelque peu tombé dans l’oubli, ne survit guère qu’à travers la diatribe de Berlioz, qui ne lui pardonna pas son Freischütz / Robin des Bois. Qui a eu l’idée d’exhumer Les Folies amoureuses, et comment s’est déroulée sa préparation, quelle part y avez-vous prise ?
C’est dans le cadre du bicentenaire de l’Opéra Grand Avignon que Frédéric Roels, son directeur, a voulu programmer cette œuvre. Les folies amoureuses furent en effet jouées lors de la première saison de l’Opéra en 1825. Nous avons eu cinq jours pour répéter l’ouvrage mais toute l’équipe était très bien préparée en amont. Mon travail avec les chanteurs a été de retrouver le style, les phrasés, les tempi d’œuvres certes connues à l’époque de la création mais oubliées (parfois injustement) aujourd’hui. Nous avons tâché de mettre en valeur la grande vitalité rythmique de cette musique d’opéra allant de la fin du 18ème siècle (Mozart, Cimarosa) au premier quart du XIXe siècle (Rossini, Paer, Pavesi) et d’en retransmettre le mieux possible le caractère bouffe.

Après cette soirée – unique – où Castil-Blaze est réapparu, le fait d’avoir travaillé Rossini et ses contemporains, Paer, Cimarosa, Generali, Pavesi, avec une solide équipe de chanteurs vous donne-t-il envie de poursuivre dans cette voie ?
Castil-Blaze m’a permis de découvrir des musiques que je ne connaissais pas et je retiens en premier lieu le magnifique quintette de Cimarosa extrait de son opéra I nemici generosi, le grand air bouffe de Crispin emprunté à l’opéra Trame deluse (Cimarosa toujours) et le trio de Paër extrait d’Agnese. Ce fut très émouvant pour moi de raviver cette excellente musique qui évoque autant Mozart, leur contemporain, que Rossini et Donizetti, leurs successeurs. Cela m’a donné envie de redécouvrir ces œuvres dans leur intégralité, de voir si l’ensemble est aussi inspiré que les extraits choisis par Castil-Blaze. Mais avant de sortir de l’oubli des opéras de Paër ou de Cimarosa, nous pourrions déjà donner les Folies amoureuses avec orchestre. Ce pasticcio très bien conçu trouverait son public. Et les chanteurs sont prêts !

Depuis plus de dix ans, la liste serait longue des grands metteurs en scène avec lesquels vous avez travaillé, de Jean-François Sivadier à Romeo Castelluci. Quelle relation spécifique entretenez-vous avec eux lorsque vous participez à une nouvelle aventure ?
J’ai eu la chance de travailler avec des metteurs en scène remarquables et certains sont devenus des amis. Quand je suis chef de chant sur une production, j’aime faire le lien entre musique et théâtre, entre le chef d’orchestre et le metteur en scène, être à l’interface des deux mondes pour mieux les faire se rencontrer. J’adore partager avec les metteurs en scène les subtilités d’une partition. La plupart sont d’ailleurs de grands mélomanes, passionnés par les voix ou l’opéra et sont toujours avides de comprendre de l’intérieur ce qui fait qu’une musique est géniale. Les grands compositeurs d’opéra que sont Mozart, Verdi, Puccini sont déjà des metteurs en scène. Ce qui me passionne, c’est de révéler, de rendre perceptible au public l’adéquation idéale entre leur inspiration musicale et la situation théâtrale.

Quels sont vos projets ?
J’ai l’immense chance de travailler actuellement sur Peer Gynt avec Olivier Py pour le théâtre du Châtelet. La pièce d’Ibsen et la musique de scène de Grieg sont des chefs-d’œuvre à voir et entendre absolument ! En avril je donnerai des concerts en Guyane avec l’Académie de l’Opéra de Paris qui, depuis 2022, développe un très beau projet d’action artistique et pédagogique sur ce territoire. C’est un honneur d’en faire partie aux cotés d’artistes lyriques, de musiciens et de danseurs exceptionnels. Je jouerai en tournée également dans le spectacle Un piano dans la montagne, une très belle adaptation de Carmen à quatre pianos, signée Sandrine Anglade. Par ailleurs, Myriam Mazouzi, la directrice de l’Académie de l’Opéra de Paris m’a confié le suivi pédagogique des deux orchestres de jeunes du programme ADO. J’ai la joie d’assister le chef d’orchestre Victor Jacob dans la préparation des concerts et d’accompagner toute l’année ces brillants jeunes musiciens dans leur découverte du répertoire d’opéra et de ballet.

Quel avenir pour le théâtre lyrique dans cette société en mutation profonde ? 
La situation des théâtres lyriques est préoccupante comme l’est celle de tout le secteur culturel. Les coupes brutales de subventions dans certaines régions laissent sans voix. Il faut continuer à se battre, quoi qu’il arrive, mais l’avenir est inquiétant. Je vois de plus en plus de chanteurs et chanteuses de grand talent qui n’ont pas assez d’engagements, de saisons lyriques en région réduites à peau de chagrin… Petite histoire pour garder l’espoir : Je viens de faire dans le cadre de la programmation jeune public de l’Opéra national de Paris trois concerts avec le baryton Volodymyr Kapshuk consacrés à l’Ukraine, son histoire, ses poètes, ses musiciens, devant des enfants, des collégiens et des lycéens. Après avoir lu un poème de Lessia Oukrainka (écrit à l’âge de 9 ans !), les jeunes présents dans la salle ont applaudi. Rendez-vous compte, ils ont applaudi un poème ! Et ce poème s’appelle l’Espérance. Cet enthousiasme, ils le garderont pour toujours en eux. L’enfant sent en lui la nécessité absolue de l’art. « Déposez-y une étincelle, il vous rendra une gerbe de lumière» écrivait Hugo. Il avait raison.

* Voix d’Automne : Don Quichotte, Le Miroir d’Armide à Evian le 20 octobre 2019

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