Le Syndicat professionnel Les Forces Musicales, organisation patronale regroupant des adhérents de l’ancienne CPDO (Chambre Professionnelle des Directions d’Opéra) et du SYNOLYR (Syndicat National des Orchestres et des Théâtres Lyriques) a publié sur son site une liste d’une petite vingtaine de spectacles annulés la prochaine saison en raison de problèmes budgétaires, en province comme à Paris. Ces spectacles supprimés sont présentés sous la forme d’une brochure de saison, la Saison fantôme 2023-24, affichant « tubes » (La Forza del Destino, Carmen, Don Giovanni…), raretés (Psyché de Thomas, La Mort de Cléopâtre de Berlioz, Jephta de Haendel…), oeuvres contemporaines (Macbeth Underworld, L’Inondation, Sports et divertissements sur des pièces d’Erik Satie), créations participatives (La Flûte enchantée, Les Ailes du désir) et concerts classiques variés. Chaque titre est suivi d’un commentaire de responsables de l’établissement concerné par l’annulation. Si ces contributions sont anonymes (on se demande quand même pourquoi), il n’est pas trop difficile d’identifier les organisations. On devine facilement par exemple que la « tournée inédite de 5 dates au Royaume-Uni qui aurait servi le rayonnement international de la musique orchestrale française » concerne l’Opéra de Paris et son éphémère directeur musical. Chaque spectacle sacrifié est par ailleurs évalué en fonction de son impact sur le nombre de spectateurs, d’emplois artistiques, sur les nouveaux publics et d’ancrage territorial. L’organisation estime au global à 150 000 le nombre de spectateurs perdus et à 2 000 celui d’emplois supprimés.
Voir communiqué de presse ci-dessous
Alors que tous les opéras et orchestres ont présenté leur programmation artistique ambitieuse pour la saison prochaine, Les Forces Musicales publient aujourd’hui la Saison Fantôme pour mettre la lumière sur tous ces projets sacrifiés, par une crise budgétaire structurelle.
Sous-financement systémique, crise inflationniste, c’est une véritable lame de fond qui est passée sur la saison 2022-2023. Malgré de nombreuses alertes partagées avec les décideurs publics depuis septembre et une combativité exemplaire de la part des équipes des orchestres et opéras concernés, la saison qui se termine a vu, pour la première fois, des établissements devoir suspendre leurs activités ou même fermer leurs portes.
Cette première historique laisse sa place à une onde de choc encore plus importante pour la saison 2023-2024. Une tragédie que le syndicat ne voulait passer sous silence, et qu’il révèle à travers la publication de cette Saison Fantôme.
De Carmen à La Flûte Enchantée en passant par Les Nocturnes de Debussy, le nombre de spectacles annulés équivaut à la programmation d’une saison entière pour un opéra ou un orchestre de premier plan. Au-delà des spectateurs perdus, la chute de l’emploi artistique est tout aussi importante. Un véritable coup d’arrêt pour les territoires, qui s’appuient sur l’activité de ces établissements pour faire valoir leur attractivité.
« Cette Saison Fantôme est tout autant une source de tristesse que d’espoir. Tristesse de toucher du doigt la véritable catastrophe culturelle, citoyenne et économique qui est en train d’avoir lieu sous nos yeux ; espoir que cette mise en lumière permette une réaction à la hauteur des décideurs publics » déclare Aline Sam-Giao, présidente des Forces Musicales et directrice de l’Orchestre National de Lyon.