En ces temps où « les barbares ne sont pas qu’à Palmyre », pour reprendre la citation pleine de retenue du cher Hugues Gall, où les mauvaises nouvelles tombent comme à Gravelotte sur le lyrique en région – la dernière étant l’intention de la Ville d’Angers de supprimer 1 million d’euros de subvention à Angers-Nantes Opéra – il était revigorant de « marrainer » ce beau concours de chant de Opéra Grand Avignon.
Sacré Raymond Duffault ! Rien ne lui résiste. Président du concours, fidèle à sa réputation de dénicheur de talents, il a réuni pendant quatre jours un jury de première qualité où scintillait la lumineuse personnalité artistique de Julie Fuchs, entourée de spécialistes reconnus du métier : 128 candidats auditionnés, 20 nationalités représentées pour une épreuve réservée aux jeunes chanteurs de 18 à 26 ans, cet engouement montre que la manifestation est en train de trouver sa place dans le calendrier chargé des compétitions lyriques.
La finale de samedi soir a rempli la salle de l’élégant édifice avec un public qui a découvert les treize rescapés de l’estrapade de nos sélectionneurs. Nos finalistes avaient joué la sécurité et nous avons eu droit à un festival de tubes de « Où va la jeune hindoue » à « Largo al factotum », mais rien de tel que ce genre d’initiation pour un auditoire qu’il s’agit de convaincre. Pas de révélation « à tomber en pamoison », mais les lauréats ont fait le job. La ravissante Lisa Chaib-Auriol a campé une Micaëla pleine de sensibilité dans la catégorie 18-20 ans, Julie Roset a emballé la salle avec « Les oiseaux dans la charmille », ce qui lui a valu le prix du public et celui de la catégorie 20-22 ans, Tatiana Kuryatnikova raflant le prix des 23-26 ans, même si on peut regretter un français par trop déficient dans son Werther, j’en suis arrivée à me demander si elle n’avait pas choisi de le chanter en russe…Le Grand Prix donna lieu à des discussions passionnées dans le jury ( mais chut, je me dois de respecter le secret de délibérations où je n’assistais qu’en spectatrice) et ce fut la roumaine Martiniana Antonie qui conclut donc la soirée en redonnant le « Una voce poco fa » de sa victoire.
Allez, il me faut avouer que mon coup de cœur est allé au contre-ténor Léopold Laforge-Gilloots, qui nous fit une très musicale Fledermaus, même s’il montra moins de maitrise dans L’Olimpiade de Vivaldi, assurant néanmoins une vraie prise de risque qu’on souhaiterait plus fréquente dans ce genre de concours.
Moralité dans ce siècle qui n’en a guère : le succès de la soirée assure que la deuxième ne sera donc pas une seconde édition ! A l’année prochaine.