Les spectateurs de la première de Manon Lescaut au Teatro Carlo Felice ne sont pas prêts d’oublier leur soirée. Le théâtre génois reprenait la production bien connue de Davide Livermore qu’on a pu voir à Naples ou à Barcelone. L’action y est transposée à l’époque de l’immigration italienne vers les Etats-unis d’Amérique. Le premier acte se situe dans une gare. Manon et Des Grieux s’enfuient avec le train. Enfin… pas ce 25 mars ! Ce soir-là, Marcelo Alvarez n’impressionne guère dans son premier air « Tra voi, belle, brune e bionde ». Le duo avec Manon le voit en plus grande difficulté encore : pour sa deuxième réplique, « Perdonate al dir mio », aucun son ne sort de son gosier. Le ténor argentin fait arrêter l’orchestre et lance « Basta. Non è possibile cantare con tutto questo fumo… », incriminant ainsi les fumées de la locomotive qui inondent le plateau (là où il y a de la Gênes…). Sur ce, le ténor quitte la scène : lui aussi a des vapeurs ! Sa Manon (Maria José Siri) allait-elle rester longtemps « Sola… perduta… abbandonata » ? Après 20 minutes de pause, Riccardo Massi est annoncé en remplacement, et le chef Donato Renzetti reprend l’ouvrage depuis le début. Pour Claudio Orazi, le surintendant du Carlo Felice, Alvarez ne manque pas d’air et le prétexte invoqué par celui-ci est quelque peu fumeux : « Le comportement d’un ténor d’expérience internationale qui pourrait simplement et de manière compréhensible déclarer avec sincérité qu’il ne se sent pas bien et prendre dignement congé de la scène est étonnant ».