Heureux l’amateur parisien d’art lyrique qui peut, sans débourser un kopeck, satisfaire son intérêt pour les voix nouvelles, comme l’autre dimanche à l’occasion du concert des lauréats du concours Flame ou pas plus tard qu’hier à la Maison de la Radio. Raquel Camarinha y était l’invitée de l’émission Génération jeunes interprètes proposée sur France Musique par Gaëlle Le Gallic et enregistrée en public au Studio 105.
Avec un programme alignant Haendel, Strauss, Poulenc et Weill, cette chanteuse d’origine portugaise, âgée de 28 ans, lauréate en 2013 du Concours International de Chant Baroque de Froville, n’avait pas forcement choisi la facilité. De fait, tout n’est pas égal dans son interprétation de partitions si dissemblables. Les mélodies de Poulenc par exemple exigeraient mieux qu’une diction qui peut encore être améliorée : un ton, un esprit aujourd’hui étranger à l’art virginal d’une soprano en fleur. Mais les lieder de Strauss (Allerseelen, Ständchen, Morgen) profitent de cette candeur désarmante et les quatre héroïnes de Haendel ne sont jamais prises en défaut de musicalité.
Par la fraîcheur du timbre et la pureté de l’émission, Morgana, plus qu’Alcina, semble correspondre aujourd’hui à la vocalité de Raquel Camarinha. Pourtant, le souffle requis par « Ombre Pallide » l’emporte sur l‘aigu sollicité plus souvent qu’à son tour par « Credete al mio dolore ». La virtuosité touche à ses limites dans l’air de Dorinda, « Amor è qual vento » avec ses impitoyables sauts d’octave, Cleopatra (« Piangerò, la sorte mia ») s’avérant finalement la mieux adaptée à la plastique du chant.
L’expression, dont on a du mal encore à discerner les contours, se précise dans les deux pages de Kurt Weill (Complainte de la Seine et The saga of Jenny). Le souci de caractérisation devient alors tangible. Au piano, Yoan Hereau n’est pas un simple accompagnateur mais un partenaire qui se glisse avec grâce d’un style à l’autre. Sous réserve de modification, ce concert sera diffusé le samedi 10 mai à 12h30 sur France Musique (plus d’informations sur les prochains enregistrements publics). [Christophe Rizoud]