Entendons-nous, il ne s’agit pas de tirer sur un chef d’orchestre par snobisme, ni de s’abstenir de le faire par lâcheté, mais bien de dénoncer les coupures réalisées par le Signor Pidò lors des représentations d’Anna Bolena à l’Opéra de Vienne. Certes, on est loin des amputations radicales opérées par le Maestro Gavazzeni dans la production scaligère de 1957, avec Maria Callas… Mais à l’époque, on ignorait l’impact sur le public de cette musique romantique oubliée, et c’est « dans le noir » qu’on hasarda cette reprise, sans imaginer qu’elle lancerait en fait la Donizetti Renaissance ! Ce qui est grave aujourd’hui, et inadmissible, ce n’est pas de couper les da capi ou reprises (que du reste des artistes de ce niveau devraient être capables de faire), mais de taillader à l’intérieur des morceaux. Ce fut le sort de la pauvre ouverture, puis du grand duo des rivales. A quoi servent ces infimes coupures de quelques secondes, réalisée qui est plus est au moment sublime de l’union parfaite entre deux voix féminines, sinon à raboter une partie du plaisir du public ? De même, dans le trio Enrico-Anna-Percy, à quoi bon couper l’arioso sur le mot « Giustizia » lancé par Percy ? Plus grave encore, comment justifier, dans le moment concertant qui suit, la coupure venant briser la progression de la ligne musicale ? Un chef ne peut se permettre de « corriger » la pensée créatrice d’un compositeur et à plus forte raison de la mutiler, ne méritant alors que le blâme, et aucun égard pour de telles manipulations indignes. [YB]