L’année 2011 en France aura été celle de deux débuts marquants pour Leo Nucci : au mois d’août, c’était ses débuts au Théâtre antique d’Orange, pour un Rigoletto exceptionnel. En cette fin d’année, le baryton italien a assumé un tout autre rôle, celui de maître de chant : le 30 novembre, à l’initiative du distributeur Integral Music, Nucci a passé toute une journée avec quatre jeunes chanteurs, pour préparer la masterclass du soir, en public. Les barytons Julien Dumarcey et Antoine Bernheim, le ténor Thierry de Marcley et la soprano Dominique Magloire (impressionnante dans « L’altra notte » de Mefistofele) ont travaillé quelques airs du grand répertoire (ce qui a fait dire à Nucci qu’ils avaient choisi « des Ferrari, bien difficiles à conduire »!). La soprano Géraldine Casey a chanté deux airs et, en fin de concert, déchiffré le duo Gilda-Rigoletto que Leo Nucci avait envie de chanter !
Cette masterclass a été exceptionnelle à plusieurs égards. Certains auraient pu craindre que la personnalité de Nucci transforme la soirée en show cabotin. Il n’en a rien été. Le baryton, chaleureux, enjoué, drôle comme à son habitude, a multiplié les conseils et les explications techniques passionnants, sans en rester aux seules intentions interprétatives. On a parlé technique vocale ce soir là : appui sur le diaphragme, couverture des sons dans les aigus pour les projeter convenablement vers l’avant, importance des harmoniques sans lesquels il n’y a ni musique, ni frisson, respect du legato (« chanter la note dans celle qui suit »)… La leçon a été précise et instructive. Comment mesurer mieux la pertinence d’un conseil qu’en constatant que l’élève réussit à surmonter la difficulté de la partition là où il échouait quelques minutes avant ? Plus fondamentalement encore, Nucci a délivré des messages forts : respecter la musique et le compositeur ; suivre à la lettre la partition, notamment dans Verdi (« tout est écrit »). Pour ceux qui en doutaient – mais sans doute n’étaient-ils pas dans la salle -, Nucci est un immense musicien et, qui plus est, dans une forme impressionnante (des la naturels ont émaillé la soirée et il a confié en riant que Placido Domingo lui avait proposé de faire Otello en inversant les rôles : le ténor espagnol en Iago et Nucci en maure !). A la fin du concert, il nous a confié le plaisir qu’il avait d’être à Paris et son espoir d’y revenir sur scène (« pas dans Falstaff… je ne suis pas Falstaff, mais j’espère que Nicolas Joël, que j’apprécie beaucoup, me proposera d’autres choses ! »).
Il reste à féliciter chaleureusement Integral Music et le Théâtre du Châtelet pour leur initiative : des soirées de ce genre font véritablement progresser la compréhension du chant et l’amour de l’opéra. La prochaine fois, il faudra même capter et graver en DVD ces moments rares. Car l’héritage de chanteurs comme Leo Nucci ne doit se perdre à aucun prix ! Jean-Philippe Thiellay