L’attention monopolisée par une mise en scène qui continue de recueillir chaque soir sa volée de bois vert, on aurait tendance à oublier que deux affiches se partagent les représentations d’Aida, à l’Opéra de Paris jusqu’au 20 novembre prochain. Hier, 29 octobre, Marcelo Alvarez, en acceptant de remplacer Robert Dean Smith, initialement annoncé dans le role de Radamès, passait d’une distribution à l’autre. Grand bien lui en a pris. Autant le couple qu’il formait avec Oksana Dyka ne semble pas voir emballé la critique*, autant sa rencontre avec l’Aida de Lucrezia Garcia, a permis au ténor d’exposer les nombreux atouts de son général égyptien. Passée une première partie qui a vu les deux chanteurs prendre leurs marques, lui audiblement en retrait, elle en proie aux décalages dans « Ritorna vincitor», l’acte du Nil a embrayé la vitesse supérieure. Voix puissante au grave sonore, au medium nourri, la soprano sait aussi filer les aigus et alléger un chant que l’on aurait pu penser épais de prime écoute. Du pain bénit pour son partenaire qui a pu de son côté déployer son art consommé de la demi-teinte. Le timbre, un des plus beaux chez les ténors aujourd’hui, n’a rien perdu de son élégance, la ligne demeure soignée, les registres égaux et l’interprète, parfois enclin au cabotinage, sait ici faire montre d’une sobriété bienvenue. Le feu allumé, il ne restait à nos deux artistes qu’a se consumer dans la scène finale où chacun, rivalisant de nuances, en phase avec la direction raffinée de Philippe Jordan, a semblé se mirer dans le chant de l’autre.
* Voir le compte rendu de Laurent Bury