Cet été, c’était la critique basse, stupide et machiste d’un journaliste britannique qui mettait le feu aux poudres pendant les représentations du Rosenkavalier de Glyndebourne. Les artistes lyriques, les femmes surtout il faut bien le dire, avaient fait bloc pour soutenir leur consœur contre ces remarques qu’on espère à chaque fois d’un autre temps, hors de tout contexte artistique et qui réduisent la femme à son simple corps, objet de dégoût (ou de convoitise lubrique, c’est selon) pour le mâle tranquillement assis dans son fauteuil (de salon ou d’opéra, c’est la même chose).
Mais les bras tombent quand l’attaque, plus sournoise, vient d’une femme elle-même, soprano à la carrière internationale de surcroît. Dans une interview au Chicago Sun Times, Adina Aaron (connue en France depuis Treemonisha au Chatelet) commence par expliquer qu’il est important pour elle de mener une vie saine, entre sport et alimentation équilibrée. Grand bien lui fasse ! Beaucoup d’Américains adoptent ce mode de vie « healthy » où le corps est considéré comme le centre du bien-être et sa bonne forme comme nécessaire à une vie professionnelle épanouie.
Mais ensuite, arguant du caractère « modernisé » des mises en scène en Europe où elle se produit de plus en plus, des mises en scène qui demandent toujours « quelque chose de physique », Adina Aaron ajoute qu’elle ne comprend pas comment font « les chanteurs qui ne font pas d’exercice, si on prend trop de poids, si l’on n’est pas en forme ».
Le journaliste s’étonne de ce point de vue, précisant qu’il va à l’opéra pour l’art du chant et la mise en scène. Ici on s’étonne du titre de son article : « Opera is fini if the fat lady keeps singing ». Sans commentaire. Et Adina de poursuivre : « je ne dis pas qu’il faut être maigre. Mais il faut être suffisamment confortable et en forme pour pouvoir bouger. » Le meilleur venant avec l’anecdote sur Pavarotti en fin de carrière, incapable de se mouvoir. Au moins c’est un homme qu’elle prend en exemple, mais elle réécrit quelque peu l’histoire au passage.
Bien entendu, cette interview n’est pas passée inaperçue, notamment de certaines consœurs, au rang desquelles Christine Goerke, le soprano wagnérien qui monte, et qui correspond surement à l’image que s’en fait Adina Aaron « 130 kilos enracinés au même endroit, avec sa lance et son casque à plume […] qui se pose et qui aboie ». Elle la prend à parti directement sur sa page Facebook. Pour nous aussi, c’est carton rouge !
L’article incriminé est disponible ici.