Sale temps pour les divas. Après Anna Netrebko, grippée dans Il trovatore, c’est au tour d’Anna Caterina Antonacci, souffrante, de renoncer à monter sur une scène parisienne – le Théâtre des Champs-Elysées – samedi dernier pour une interprétation attendue du Poème de l’amour et de la mer, le chef d’œuvre lyrique (avec Le Roi Arthus) d’Ernest Chausson. Elle est remplacée in extremis par Gaëlle Arquez, elle aussi à peine remise de ce qu’on imagine être par les temps qui courent un mauvais rhume. Est-ce la raison d’une projection moindre et d’une prononciation perfectible ? La mezzo-soprano française, irréprochable habituellement, peine à rendre intelligible le texte symboliste de Maurice Bouchor, ce qui n’enlève rien à la qualité d’un timbre dont le léger vibrato n’est pas le moindre des charmes. Peu à peu d’ailleurs les contours de l’interprétation se clarifient, la deuxième partie – « La mort de l’amour » – avec son temps d’arrêt douloureux sur le mot « oubli » parvenant à susciter davantage que la première – « La fleur des eaux » – le trouble nostalgique d’une partition qui, toute proportion gardée, est à la mélodie ce que La recherche du temps perdu est à la littérature.
Si cependant la musique charrie avec tant d’éloquence son flot cafardeux, c’est parce que la direction de Louis Langrée à la tête de l’Orchestre des Champs-Elysées sait lui insuffler un élan éperdu. Ce lyrisme qui enfièvre le Poème de l’amour de la mer, on le retrouve dans une interprétation écumante de La Mer en deuxième partie, et auparavant dans le moins connu Hymne à la justice d’Albéric Magnard où l’on entend cavaler comme des ombres malfaisantes les Walkyries wagnériennes.
Albéric Magnard : Hymne à la justice. Ernest Chausson : Poème de l’amour et de la mer op. 19. Claude Debussy : La Mer ; Prélude à l’après-midi d’un faune. Orchestre des Champs-Elysées, Louis Langrée (direction musicale) ; Gaëlle Arquez (mezzo-soprano). Paris, Théâtre des Champs-Elysées, samedi 13 février, 20h.